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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/593

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à conseiller l’élève des chevaux fins, l’élève des chevaux de sang. On ne citera pas beaucoup de cultivateurs proprement dits qui trouvent dans une semblable opération de bien gros avantages, et il paraît que les choses sont à l’étranger sous ce rapport ce qu’elles sont en France[1]. De tout temps, la France a fait venir du dehors un grand nombre de chevaux de selle et d’élégans attelages, tandis que les chevaux qu’elle exporte sont surtout des bêtes de trait[2]. Pour élargir le cercle des consommateurs auxquels peut être vendu le cheval que l’on élève, on aura donc souvent intérêt à modifier en vue du trait, tout en lui maintenant le plus de distinction possible, la bête qui, autrefois un peu légère, était plus particulièrement destinée au luxe ou à la selle.

La production du cheval de trait offre, dans un grand nombre de fermes, d’incontestables avantages. Les poulains, d’un caractère plus calme que les animaux de sang, se mêlent plus volontiers aux vaches et aux bœufs dans les pâtures où doit se passer leur première jeunesse; on les attelle de bonne heure, dès l’âge de dix-huit mois; ils sont moins exigeans pour leur nourriture. Enfin, lorsqu’une tare survient, ils restent, sinon aussi vendables, du moins encore bons pour le labour, auquel ils sont destinés. Voyez au contraire quelle mine fera dans toutes ces circonstances le cheval fin, le cheval de luxe. Il lui faut une nourriture plus choisie, plus riche en avoine, et plus de soins de toute sorte; il ne peut pas être attelé aussi jeune, et il travaille mal, par secousses, avec emportement; il se blesse donc plus souvent, il se tare, et dès lors, perdant presque toute la valeur qui devait compenser les frais énormes nécessités par son éducation, il reste un mauvais cheval de culture. Ni la charrue, ni le tombereau ne comportent en effet une énergie bouillante : le courage est utile là comme ailleurs, mais à la condition d’être tempéré par un peu de calme et servi par une masse musculaire assez grande. Dans les pays où se trouvent de nombreux accidens de terrain, on maintiendra les reins courts et les jarrets puissans; dans les pays de plaine, on allongera davantage le corps pour augmenter la vitesse; mais nulle part on n’oubliera que le vrai cheval de l’agriculture, c’est le cheval assez robuste pour travailler par tous les temps, dans tous les terrains et dans toutes

  1. Manuel de l’Eleveur de chevaux, par Félix Villeroy, t. Ier, p. 258 et suivantes.
  2. Le mouvement du commerce des chevaux éprouve en France une tendance prononcée à se diriger du nord vers le midi. C’est par les frontières belges que se fait l’importation la plus active; c’est vers l’Espagne et vers les états sardes que se dirige la plus grande partie de nos exportations. De 1827 à 1856 inclusivement, nous avons importé 28,140 chevaux entiers, 459,590 chevaux hongres et jumens, 119,310 poulains, ensemble 607,040 bêtes chevalines. Pendant la même période, nous avons exporté 5,010 chevaux entiers, 127,670 chevaux hongres et jumens, 23,670 poulains, ensemble 150,350 têtes seulement.