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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/594

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les situations, en un mot le vigoureux cheval de trait moyen que la jument a porté dans ses flancs pendant qu’elle traînait la charrue, — qui vient lui-même de bonne heure aider aux travaux de la ferme, pour se préparer aux fatigues de la diligence ou du roulage, — qui peut au besoin ne pas trop déshonorer la voiture de maître à laquelle on l’attellera, — qui enfin, s’il survient quelque tare ou quelque blessure, peut encore tenir utilement et longtemps sa place dans une écurie plus modeste[1].

Cela prouve avec quelle réserve doit être introduit dans les veines de nos animaux de travail le sang énergique, mais exigeant du cheval de course. Celui-ci, avec sa belle taille et son tempérament nerveux, convient quelquefois à l’amélioration des races du nord et de l’ouest, de même que l’étalon arabe, dont la taille est plus petite, mais dont la résistance est plus grande, convient mieux aux races du midi. Ni l’un ni l’autre cependant ne seraient sans inconvénient, si l’on exagérait leur rôle. Comme tout le monde, nous aimons le spectacle émouvant d’une lutte ardente entre de généreux animaux; mais nous déplorons les habitudes de maquignonnage et les passions de jeu que développent trop souvent ces concours, et nous ne croyons pas qu’une rapidité exceptionnelle, rapidité due parfois à des formes spécialement disgracieuses, à une jeunesse qu’use bien vite le régime des courses, et à une excessive irritabilité nerveuse, soit le véritable critérium de la valeur d’un cheval. Une course moins rapide, mais plus longue, sous une charge plus lourde, indiquerait mieux de solides et utiles qualités. Le galop d’ailleurs, si apprécié par l’Arabe fuyant dans le désert les poursuites de son ennemi, n’a qu’un intérêt très médiocre pour les hommes d’une société civilisée; le trot et le pas, qui permettent un travail plus fréquent et surtout plus prolongé, constituent des allures bien autrement importantes. Des bêtes à trot rapide et soutenu comme les trotteurs de Russie et de Hollande, des bêtes exécutant à pas allongé un labour pénible exciteraient moins, il faut en convenir, la curiosité du public. Quant à nous, qui préférons les choses utiles aux vaines pompes du spectacle, nous regrettons vi-

  1. La nouvelle administration des haras nous semble obéir à de meilleurs principes, sous certains rapports, que sa devancière. Cependant elle vient de réduire au chiffre de 80 les 240 chevaux de trait qui figuraient dans l’effectif précédent. Si « sa mission est de s’occuper, partout où les espèces se prêtent à la transformation, de faire produire, par le croisement bien entendu, le plus grand nombre possible des chevaux qui nous manquent pour le luxe et la cavalerie, » — ce qui, nous l’avouons, ne nous semble pas répondre suffisamment à tous les vrais besoins du pays, — l’administration a parfaitement raison de remplacer par des anglo-normands ou par des anglais les étalons de gros trait qu’elle supprime; mais nous n’admettons pas que des chevaux ayant du sang anglais en proportion notable soient de bons laboureurs, et puissent être partout d’un élevage lucratif.