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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/165

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définitive le droit du pays était reconnu, proclamé, celui du chef de l’état limité. C’était un frein dont le passé n’avait point offert d’exemple. La convention ne pouvait s’en contenter. Allant plus loin, elle voulut que les déclarations de guerre fussent proposées au peuple et votées dans les assemblées primaires. N’était-ce pas là une folle exagération du droit ? Comment l’affirmer, quand on a eu l’exemple d’assemblées votant la guerre ou la laissant faire au mépris des vœux manifestes du pays !

On ne saurait oublier que le Bellérophon cinglait déjà sur Sainte-Hélène lorsque le sénat s’aperçut que Napoléon n’avait pas cessé de violer l’article 50 de la constitution, qui exigeait une loi pour les déclarations de guerre. Le grand capitaine n’avait pris l’avis de personne et ne s’était enquis ni du tribunat, ni du corps législatif, ni du sénat ; il avait donc forfait aux lois fondamentales et méritait bien la déchéance. Malheureusement la révélation arrivait un peu tard ; le sénat, paraît-il, n’avait pas compris non plus que les riches dotations dont il avait été gratifié venaient en ligne directe du domaine extraordinaire, c’est-à-dire du butin de la guerre. Bien que les gouvernemens représentatifs de la restauration et de 1830 n’eussent pas levé un soldat sans la volonté des chambres, la constitution de 1848 exigea, pour les traités de paix passés par le président de la république, l’approbation de l’assemblée nationale, et son consentement pour les déclarations de guerre. Le nouvel empire entendait user du droit de paix et de guerre, et il s’en ressaisit, mais, il faut en convenir, tout se passa dans les formes. Les subsides furent votés conformément à la constitution, et les déclarations de guerre offrirent le cachet de la régularité la plus parfaite. Ce fut là une phase nouvelle dans l’art de faire la guerre sans se soucier du pays, mais aussi sans blesser la constitution. Le jour où le pays se mit à protester. Napoléon III marchait vers Chislehurst, mais il put répondre que lui ne voulait pas la guerre, et qu’il avait eu la main forcée. Les votes du corps législatif lui permettaient de parler ainsi. Alors que nous jetons les bases de notre nouvelle organisation politique, et qu’il s’agit de se prononcer de nouveau sur le droit de paix et de guerre, n’oublions pas de tels exemples, et retenons bien ce que M. Thiers a voulu consigner dans l’enquête ouverte sur les événemens du 4 septembre. « Lorsque, pour s’excuser, a-t-il dit, l’empereur Napoléon III prétend que c’est la France qui l’a entraîné à la guerre, il n’est pas dans la vérité. Si en effet il n’a pas voulu la guerre et qu’à son corps défendant il ait cédé, c’est à son parti qu’il a cédé et non à la France. Quelques hommes de cour et quelques spéculateurs de bourse, très peu nombreux du reste, sentant que les fautes de 1866 pesaient sur les affaires et croyant qu’une campagne de six semaines suffirait pour rendre l’élan aux spéculations