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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/367

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Les facultés de théologie ont été supprimées dans toutes les universités en vertu d’une loi présentée au parlement italien par le ministre Correnti, d’abord dans la session d’avril 1870, purs dans celle de 1871, et enfin dans la session des mois de mars et d’avril 1872, où elle a été votée par 148 voix contre 67. Cette loi a donné lieu à une des discussions les plus mémorables de la chambre des députés : elle mettait en effet aux prises les deux principes qui se disputent aujourd’hui le gouvernement du monde, celui de la société ecclésiastique, gardienne des traditions du passé, et celui de la société laïque, qui s’inspire des idées et des besoins du présent. C’était, en d’autres termes, l’éternelle question de la séparation de l’église et de l’état.

Au moment où cette loi fut soumise à la chambre, l’enseignement de la théologie avait lieu dans neuf universités : celles de Cagliari, Catane, Gênes, Palerme, Pise, Sassari, Sienne, Turin et Padoue. Elles ne réunissaient en tout que 2 !i élèves. Quelques-unes n’en avaient qu’un seul. Les professeurs, plus nombreux que les élèves, étaient au nombre de 27, et leurs traitemens étaient inscrits au budget de l’état pour la somme de 89,887 livres. En 1871, il n’y avait pour toutes les facultés de théologie que 13 inscriptions, lesquelles, en 1872, se réduisirent à li. Chaque étudiant en théologie coûtait ainsi 20,000 francs à l’état, ce qui était parfaitement ridicule. Le ministre ne demandait donc à la chambre que de prononcer la suppression d’un enseignement qui était déjà tombé de lui-même. Ceux qui ont lu les discours dont a retenti la tribune italienne dans les séances du mois d’avril 1872 ont dû être frappés de la hauteur à laquelle s’est élevée la discussion, de la science profonde et du grand sens politique dont les orateurs, développant en toute liberté leurs principes religieux et politiques, ont fait preuve[1].

Les objections faites à la loi par le rapporteur étaient en substance les suivantes : supprimer l’enseignement théologique dans les facultés de l’état, c’était soustraire d’un seul coup tout le monde religieux aux investigations de la jeunesse italienne ; la suppression de cet enseignement, qu’il serait honteux d’abandonner à l’église seule, aurait pour résultat de détruire la merveilleuse unité chrétienne qui embrasse à la fois le clergé et la société laïque, et fait de leur union l’église tout entière ; ce serait enfin détruire le sentiment religieux, rendre la nation étrangère aux glorieuses traditions du christianisme, et laisser la jeunesse indifférente aux problèmes

  1. Toute cette discussion a été publiée par le parlement italien, et forme un volume in-8o de 300 pages. Il a pour titre Discorst pronunciati alla camera dei Deputati nella discussione del progetto di Legge per l’abolizione delle facoltâ theologiche nelle tornate del 25, 26, 27, 29 et 30 april 1872.