Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
247
FLAMARANDE.

suivies de raccommodemens. Le désespoir de la baronne était de voir le marquis rarement et en secret. Il n’allait chez elle ni le jour ni la nuit ; ils ne se rencontraient que dans les courts et mystérieux voyages que Salcède faisait à Paris. Il paraissait se plaire beaucoup au Refuge, trouver un grand bonheur à faire l’éducation d’Espérance, enfin ne rien regretter du monde et des choses de la vie.

Je cherchai vainement une lettre directe de Rolande à Salcède. Ou elle ne lui avait jamais écrit, ou il portait son trésor sur lui. La conclusion à tirer de toutes ces écritures confidentielles, c’est qu’aucune ne contenait l’aveu de la faute commise, et ne constituait une preuve qui pût mettre Roger à l’abri des revendications de son frère. Au contraire : soit sincérité, soit habileté consommée, tout ce que Mme de Flamarande avait écrit à son amie pouvait être invoqué par elle comme une preuve de son innocence. Je ne vis donc pas d’intérêt certain à m’emparer de la correspondance, et le danger de commettre ce larcin ne me parut pas compensé par l’assurance de rendre à Roger un véritable service. Cependant c’étaient là les seules preuves que je pusse espérer de recueillir, et, pour en trouver d’autres, il fallait compter sur un nouveau hasard bien extraordinaire.

Je tombai dans de grandes perplexités. Tout à coup, en me voyant seul dans cette demeure silencieuse violée par ma curiosité, j’eus un sentiment de honte et d’horreur de moi-même. Il y avait de l’argent, beaucoup d’argent, confié pour ainsi dire et comme mis sous la protection de la loyauté publique, et moi, pire qu’un voleur d’argent, je songeais à dérober les secrets du cœur et de la conscience ! Je rangeai avec soin les papiers, je refermai tous les secrets du bureau, et je m’approchai de la fenêtre. Le jour paraissait à peine, mais les paysans étaient probablement déjà debout, et je me hâtai d’éteindre les bougies. Puis je songeai aux moyens d’opérer ma retraite sans laisser de traces de mon passage dans le pays, car j’étais quitte de tout devoir de protection envers Espérance, et je n’avais rien à apprendre à Flamarande qui ne me fût désormais connu. Je montai au grenier, et j’y pris une des cordes qui avaient servi à ficeler les gros colis. Je descendis au salon. C’est de là qu’à l’aide de cette corde convenablement arrangée je pouvais m’enfuir ; mais une idée qui traversa mon cerveau m’arrêta. Cette construction, qui portait dans les actes de vente le nom significatif de Refuge bien avant que M. de Salcède l’eût acquise, avait dû servir ou être destinée à servir de refuge en effet aux défenseurs du manoir en cas d’envahissement. Là, comme dans beaucoup d’autres forteresses de ce genre, il devait exister une communication secrète entre elle et le donjon. J’étais certain désormais d’avoir vu Salcède à Fla-