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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/252

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REVUE DES DEUX MONDES.

marande en 1845, déguisé en paysan. Je me rappelais l’avoir vu disparaître non loin du manoir, comme s’il eût percé le rocher. La communicaiion souterraine, soit qu’elle eût été déblayée, soit qu’elle fût demeurée intacte depuis des temps reculés, devait donc exister encore, et elle avait dû servir récemment à Mme de Flamarande pour entrer dans le donjon et pour en sortir sans être vue. L’entrée du passage devait être la maison même où je me trouvais, car, en lisant l’acte, je n’avais pu m’expliquer certains mots relatifs à un passage et à une entrée dont Salcède revendiquait l’usage exclusif et la propriété. Il fallait le chercher, ce chemin mystérieux, et m’en servir pour opérer ma retraite. Il ne fut pas difficile à trouver dans le parquet du salon sous une des peaux de mouton qui, jettes les unes près des autres, formaient un tapis non cousu et non fixé. La trappe était légère et sans ressort ni serrure. Elle ouvrait sur un marchepied de bois de dix ou douze marches avec une rampe d’un seul côté, comme on en voit dans les ateliers de peinture.

Je me trouvai dans la cave de la maison, une voûte circulaire de construction ancienne meublée d’une seule barrique de vin et d’une petite provision de bois derrière laquelle on pouvait se cacher en cas de surprise. Je fis le tour de ce caveau, et je trouvai dans une antique arcade surbaissée une porte de chêne toute neuve, avec une serrure sans clé, non fermée. Évidemment M. de Salcède et Ambroise passaient par là souvent, et la vedle, lorsque j’avais pénétré dans la maison, ce dernier était dans cette cave, puisque je ne l’avais pas vu. Je m’engageai dans le couloir qui s’ouvrait devant moi, au risque d’y rencontrer M. de Salcède rentrant chez lui après sa dernière veillée auprès de l’enfant. La galerie, maçonnée au commencement, pénétrait un peu plus loin dans l’épaisseur du roc entaillé par le pic. Elle était assez large pour donner passage à deux personnes, mais elle n’offrait aucun angle, aucun recoin où l’on pût espérer se cacher en cas de rencontre.

Je risquai encore quelques pas, examinant avec soin, grâce à la bougie dont je m’étais muni. Bientôt j’arrivai à une véritable caverne où le passage, élargi et irrégulier, n’offrait plus aucune trace du travail de l’homme. C’était un travail purement fortuit de l’action volcanique que jadis on avait découvert et utilisé. D’autres galeries étroites et d’apparence peu praticable aboutissaient à celle où je me trouvais et dont le sol brut m’offrit la trace fraîche des gros souliers d’Ambroise sur la pouzzolane. Je marchai alors avec plus de confiance, prêtant l’oreille au moindre bruit, mais certain de pouvoir au besoin me retirer ou me cacher dans quelque anfractuosité. J’avançais sans trouver d’obstacle depuis environ dix minutes, lorsqu’un point lumineux se montra devant moi. J’éteignis