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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/37

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FLAMARANDE.

rable. La neige, en partie fondue, laissait à découvert de vastes espaces d’un vert frais, et les ruisseaux, débarrassés tout récemment de leurs aiguilles de glace, bondissaient et jasaient joyeusement. Les torrens, gonflés par cette subite fonte des neiges, avaient des cascades imposantes. Je n’avais jamais vu le pays aussi beau que dans ces jours du printemps tardif, mais soudain et énergique de la montagne. J’eus donc du plaisir à marcher dans la traverse difficile de Montesparre à Flamarande.

J’étais parvenu vers trois heures de l’après-midi à une courte distance du manoir lorsque je vis s’ouvrir à ma gauche un sentier frayé que je n’avais jamais remarqué, bien que j’eusse souvent chassé dans tous les environs du château. Comme j’ai une très bonne mémoire locale, je fus bientôt certain que ce sentier n’existait pas lors de mon dernier séjour à Flamarande, et, comme j’étais à l’affût de toute découverte favorable à mes recherches, je m’enfonçai résolument dans ce sentier, qui gravissait le rocher par des gradins naturels et aboutissait à une sorte d’impasse.

J’allais revenir sur mes pas lorsque je vis que la roche avait été entamée par la pioche, et qu’il était facile d’en gagner le faîte. Si je ne me trompe, pensais-je, ceci doit aboutir au cirque de Mandaille et aux sources de la Jordanne. J’avais calculé juste. Après avoir gravi plusieurs monticules superposés, je me trouvai en face d’un amphithéâtre de laves que je n’avais jamais exploré, mais que j’avais vu plusieurs fois des hauteurs environnantes. C’était un désert dans le désert de ces montagnes ; aussi fus-je vivement frappé en découvrant à quelque distance en avant de moi une petite construction qui n’y était pas trois ans auparavant. C’était une maisonnette rustique plus élevée et mieux bâtie que celles du pays. Une habitation nouvelle dans une région sans habitans me parut chose assez remarquable et digne d’une sérieuse attention. J’approchai comme par hasard, et, ne voyant personne, je jetai un regard sur l’enclos. Ce n’était qu’un fouillis d’arbustes et d’arbres de la montagne, pins, sorbiers, hêtres, sureaux et châtaigniers, croissant pêlemêle comme si le propriétaire, ayant acheté ce petit bois, n’avait pas encore eu le temps d’en faire un jardin et de le renfermer.

Enfin j’aperçus une éclaircie et vis, vers le milieu, une sorte de petite lande bossuée couverte de plantes sauvages, sans aucune trace de culture. Je gagnai la maison et dus la tourner pour trouver la porte, qui n’était pas sur le sentier, et dont on ne pouvait approcher qu’en traversant le ruisseau sur des blocs de rocher disposés en manière de pont. Rien de joli et de pittoresque comme cette habitation rustique. Le bâtiment carré était des plus insignifians ; mais le site était ravissant pour moi, qui avais peu à peu appris à comprendre

tome viii. — 1875.                                                                                3