Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/492

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
488
REVUE DES DEUX MONDES.

duite du père de mes enfans, je le supplie de se rappeler que sa veuve est ici, et qu’elle y est venue pour entourer sa tombe de tout le respect possible.

Je n’avais pas besoin de cette recommandation. J’avais, malgré tout, aimé fidèlement le comte de Flamarande. Hélène était bien trop convenable pour émettre une opinion quelconque. Ambroise pouvait être plus inquiétant ; mais, en terminant son admonestation, Mme de Flamarande ne l’avait pas regardé. Ses yeux s’étaient involontairement attachés à ceux de Mme de Montesparre, dont l’attitude résolue n’annonçait pas qu’elle fût portée à ménager le défunt. Hélène et moi, nous nous étions inclinés en signe d’assentiment. Sans s’incliner, Ambroise avait dit : Ça, c’est juste, ça se doit !

M me de Montesparre reprit de sa voix nette, un peu méridionale :

— La volonté dont nous subissons ici les conséquences ne sera pas discutée ; mais il faut bien qu’il soit constaté, — ici elle lut le papier qu’elle, tenait, — que cette volonté pèse à jamais sur les nôtres et que nous ne pouvons l’enfreindre, ni aujourd’hui ni demain, sans blesser Ja religion des deux fils de Mme de Flamarande. Gaston consentira-t-il sans scrupule à être réintégré dans ses droits, contrairement à la volonté paternelle ? Roger verra-t-il sans trouble apparaître ce frère sur la légitimité duquel son père a voulu laisser planer un doute ? Et, en dehors de la famille, ces inconvéniens ne se produiront-ils pas avec la rudesse cynique qui est le propre de l’opinion ? Non, il ne sera jamais possible de dégager la veuve de Mme de Flamarande d’un soupçon dont ses fils ressentiront également l’outrage, qui jettera une ombre de méfiance et de tristesse sur leur vie entière, méfiance qui les amènera peut-être quelque jour à tirer l’épée, à exposer leur vie pour la réputation de leur mère… Voyons, courage, dit encore Mme de Montesparre en remettant le papier à M. de Salcède et en embrassant Mme de Flamarande, qui pleurait, la tête dans ses mains : nous avons décidé que votre devoir d’épouse et de mère était d’obéir à votre mari au-delà de la tombe, et vous avez reconnu que nous avions bien jugé. Soumettez-vous par amour pour vos enfans ; leur amour et leur bonheur vous dédommageront.

— Oui, oui, je le sais, répondit Mme Rolande en serrant les mains de Mme Berthe dans les siennes. Tout pour eux, c’est convenu ! mais laissez-moi pleurer sur moi qui ne pourrai plus voir Gaston qu’en secret et sans lui jamais ouvrir mon cœur.

Nous étions tous profondément émus de sa douleur, M. de Salcède se détourna pour cacher la sienne. Je vis, au soulèvement de ses épaules, que sa poitrine se remplissait des sanglots qu’il imposait à Mme de Flamarande. Toi, pensai-je, tu es un honnête homme ; tu