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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/384

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Lethière et que Sa Majesté ne l’avait pas approuvée. » Il fallut donc procéder à un nouveau scrutin, qui eut pour résultat la nomination de celui-là même auquel Lethière avait été justement préféré, M. Garnier, l’auteur, assez généralement oublié aujourd’hui, d’un grand tableau, la Famille de Priam, qu’on voyait autrefois dans la galerie du Luxembourg. Néanmoins, au bout de deux ans, la mort de Visconti ayant produit un nouveau vide dans la section de peinture, le gouvernement ne crut pas devoir repousser une seconde fois le vœu émis par l’Académie en faveur de Lethière. Plus indulgent qu’il ne l’avait été d’abord pour les antécédens de celui-ci, ou mieux éclairé sur la valeur de ses titres, le roi approuva de bonne grâce l’élection ou plutôt la réélection faite par l’Académie au mois de mars 1818. Lethière de son côté, devenu plus circonspect en matière de doctrines ou d’affections politiques, jugea bon à partir de ce moment de se renfermer dans ses devoirs d’académicien et dans les occupations que lui donnait un atelier d’élèves dont il resta jusqu’à sa mort (1832) le chef actif et de plus en plus entouré. La disgrâce qui avait annulé le succès de sa première candidature ne fut donc en réalité pour lui qu’un accident éphémère, accident unique d’ailleurs dans l’histoire de l’Académie, tous les gouvernemens qui ont suivi celui de Louis XVIII n’ayant en aucune occasion refusé de souscrire aux nominations soumises par la compagnie à leur approbation.

Quant au concours de paysage et aux privilèges conférés aux jeunes artistes qui remporteraient successivement le prix, le tout n’avait pas été établi non plus sans quelques difficultés préalables. La pensée de fonder un prix de « paysage historique » remontait à l’année 1815, et, plusieurs fois depuis cette époque, la question, soulevée d’abord par M. de Vaublanc, alors ministre de l’intérieur, avait été discutée dans le sein de l’Académie, renvoyée avec quelques observations sur des points de détail à l’examen de l’administration, à de certains momens même résolue en apparence par celle-ci, sans que néanmoins aucun texte officiel fût venu donner force de loi au projet et en prescrire l’exécution immédiate. D’ailleurs, tout en admettant en principe l’opportunité du concours dont il s’agissait, l’Académie n’entendait pas que ce concours se renouvelât à des intervalles aussi rapprochés que l’aurait voulu le ministre. Dans un rapport adressé en 1816 au successeur de M. de Vaublanc, M. Lainé, elle exposait avec autant de précision que de sagesse les motifs qui la déterminaient à repousser l’idée d’un concours et d’un prix annuels pour les paysagistes.

« L’Académie, est-il dit dans ce rapport, juge nécessaire d’éloigner le retour périodique du concours de paysage historique, de