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l’étonnement qu’on éprouve, c’est de la colère et du mépris. Allez à la vérification du fait. Parmi ces lois pénales, celle que la Chambre des lords prétendait conserver, était une loi qui défendait d’ouvrir une école sans diplôme et sans autorisation. Il est vrai que la seule autorité, alors en possession de délivrer la licence d’enseigner, était l’autorité diocésaine protestante : ce qui plaçait le maître d’école catholique dans un douloureux état d’infériorité et de sujétion. Mais, quoi ! C’était un autre ordre de lois à amender, un système entier à refaire et qui, en effet, disparut plus tard. Il n’en est pas moins vrai que la Chambre des lords avait raison de limiter la liberté absolue de l’enseignement et de protéger le principe que, dans sa généreuse étourderie, la Chambre des communes avait balayé avec le reste.

Que ce soit par sagesse ou par mauvaise volonté, la Chambre des lords a souvent agi ainsi. Elle a donné au pays le temps de réfléchir. Elle n’a point fait de bien, elle n’a point fait de mal : son rôle n’est pas de « faire » ni d’inventer. Elle n’a empêché aucun progrès, elle en a retardé quelques-uns. Le bien lui-même ne doit pas s’accomplir trop vite, la vérité ne doit pas éclater trop brusquement, la pratique ne doit pas suivre la découverte de l’idée comme le bruit du tonnerre suit l’éclair. Il faut imiter la vie, si lente en ses transformations qu’elle semble immobile : c’est la seule règle dont nous soyons sûrs. La Chambre des lords est le frein de la machine politique dont la Chambre populaire est le moteur. Elle ne sert point à monter les côtes, mais à ne pas les descendre trop impétueusement. Créer une résistance est quelquefois plus difficile que de créer un mouvement et tout aussi nécessaire, car la résistance est le régulateur et la sauvegarde du mouvement. La Chambre des lords fait donc son devoir lorsqu’elle résiste. En termes familiers : elle est là pour cela. Mais d’où lui vient cette force de résistance ? Précisément du fait qu’on lui reproche de n’être point sortie de l’élection, d’être « sans mandat ».

Les électeurs du Midlothian ont ri de bon cœur, comme savent rire les Écossais quand ils ont compris une plaisanterie, lorsque M. Gladstone a parlé du droit de dissolution attribué à la Chambre des lords. En théorie, ce droit appartient à la reine, mais M. Gladstone a dédaigné de s’embusquer derrière cette vénérable fiction constitutionnelle. C’est le premier ministre, a-t-il dit, qui possède, en fait, le droit de faire appel au pays. Cette doctrine serait immédiatement endossée par le duc de Devonshire et probablement par le marquis de Salisbury. Considérez cependant ce qu’elle implique. Le premier ministre est la personnification du cabinet qui est lui-même la condensation de la Chambre des communes qui, à son tour, représente et incarne l’opinion du pays.