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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/217

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SAINT FRANÇOIS D'ASSISE
ET
SES DERNIERS BIOGRAHES

Le cardinal Guibert se plaignait un jour que les biographies modernes de saint François d’Assise l’avaient médiocrement intéressé : « J’apercevais des points lumineux, disait-il, mais ces points ne se joignaient pas. » Le cardinal n’aurait plus aujourd’hui le droit de se plaindre. Saint François a beaucoup occupé la critique historique dans ces dernières années, et en France comme en Italie et en Allemagne, il a trouvé des biographes qui au goût de l’érudition et des patientes recherches joignaient l’esprit de méthode. S’il est difficile d’écrire une bonne histoire du fils de Pierre Bernardone, ce n’est pas à la rareté ou à l’insuffisance des documens qu’il faut s’en prendre. Il était mort le 3 octobre 1226, et deux ans plus tard, un de ses disciples, Thomas de Celano, qui l’avait connu et pratiqué, entreprenait de raconter sa vie. En 1246, trois de ses premiers compagnons, Ruffin, Ange Tancrède et Léon, à l’instigation des provinciaux de l’Ordre, s’occupaient de suppléer à ce que Celano n’avait pas dit, et peu après, Celano lui-même reprenait la plume pour compléter son premier travail. Celano et les trois compagnons n’étaient pas de grands historiens ; mais c’étaient des témoins graves, sérieux, sincères, pleins de leur sujet et en qui revivait quelque chose du maître. Une vertu était sortie de lui pour se répandre sur eux ; ils n’étaient pas la rose, mais ils avaient passé près d’elle. Cependant, quelle que fût leur candeur, sur plus d’un point leur témoignage paraissait, sinon suspect, du moins incomplet. Ils avaient commis par nécessité plus d’un péché d’omission ou de réticence.