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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/328

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Ainsi, la France appuyait l’Autriche, non seulement dans le principe qu’elle invoquait, mais dans toutes ses combinaisons relativement aux moyens d’exécution. Cette note est une des pièces dont M. de Talleyrand a tiré le plus de vanité ; il semble, en effet, qu’elle ait eu dans le moment beaucoup de succès, dépendant, à la lire avec attention, elle est illogique. Pour que tout droit légitime fût rendu sacré, comme il le prétend, il aurait fallu détruire tout ce qui s’était fait sous l’influence et par la puissance de Napoléon. Il aurait fallu demander compte aux rois de Bavière et de Wurtemberg de toutes les usurpations dont ils avaient profité. Il aurait fallu rendre à Venise son indépendance, et surtout ne pas attenter, en faveur du roi de Sardaigne, à celle de l’État de Gênes. Enfin, il aurait fallu prendre ouvertement parti pour la famille de Gustave-Adolphe, envers laquelle la France était un peu plus obligée qu’envers celle de Saxe. Pour celle-ci même, que signifiait l’abandon si facile d’une partie de son territoire ? Comment le droit de la dépouiller existait-il plutôt pour une partie que pour le tout ? Tout était inexact dans cette assertion que la Prusse, arrondie par la Saxe, acquerrait une force d’agression hors de proportion avec la force de résistance des autres États. Elle aurait été, au contraire, tout au plus, mise dans une situation qui lui aurait donné le moyen de balancer leurs forces. En la constituant ainsi qu’on le voulait faire, il serait très difficile, pour ne pas dire impossible, d’y arriver.

À la fin de décembre, la Russie fit remettre aux plénipotentiaires de l’Autriche, de la Grande-Bretagne et de la Prusse, un projet en plusieurs articles, renfermant les bases propres, disait-elle, à resserrer les liens qui les unissaient et à amener la paix définitive. Cette pièce fait très exactement connaître la position et les prétentions respectives ; elle montre, dans l’empereur Alexandre, un désir assez sincère de concilier tous les intérêts :

1o Cession de la part de la Russie, en faveur de l’Autriche, de tout ce que celle-ci avait perdu en Pologne par le traité de Presbourg ;

2o Une ligne de démarcation en Pologne, entre la Prusse et la Russie, telle à peu près qu’elle a été fixée plus tard, moins le territoire de Thorn ;

3o Cracovie et Thorn déclarées villes indépendantes ;

4o Le reste du duché de Varsovie appartenant à la Russie ;

5o Liberté du cours de la Vistule ;

6o L’empereur de Russie intercède auprès de ses alliés en faveur de leurs sujets polonais, pour qu’il leur soit accord » ; des institutions provinciales. (Cette intercession, qui avait un caractère de