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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/202

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volante qui les encourage et les excite. Toutes ces figures sont énergiques et mouvementées et forment presque à elles seules le vrai monument. Pouyer-Quertier a obtenu de ses compatriotes normands un souvenir moins nécessaire ; il se tient, en pied, debout, sur son piédestal qu’accompagnent des ouvriers de l’industrie. C’est une jeune Provençale qui tend la palme au buste d’Aubanel. MM. Guilloux et Étienne Leroux ont ainsi tiré bon parti de la formule à la mode.

Le Meissonier de M. Frémiet et la Madame de Sévigné, par M. Massoulle, sont destinés, le premier, à la place de Poissy, le second, à la maison d’éducation de la Légion d’honneur. Ce sont deux bonnes œuvres, l’une encore à l’état de modèle, en vue du bronze, l’autre en marbre et soigneusement exécutée. Meissonier, debout, la tête nue, en costume d’atelier et de campagne, solidement chaussé et guêtre, son album-palette dans la main gauche, le pinceau dans la droite, en train de prendre une note à l’aquarelle, regarde devant lui. La fermeté de l’attitude, la décision du coup d’œil, le caractère énergique de volonté empreint dans la cambrure des jambes, dans la contraction des doigts, dans la puissance de la tête chevelue et barbue, font oublier, dans l’image, comme ils le faisaient dans le vivant, la petitesse de la taille pour ne mettre en saillie que la force de l’homme et la noblesse de l’artiste. La Madame de Sévigné de M. Massoulle, avec des qualités bien différentes, fait aussi grand honneur à cet artiste dont le talent, toujours sérieux, n’avait point néanmoins jusqu’à présent déployé tant de souplesse et de distinction. La belle marquise, debout, la tête un peu penchée en avant, la plume dans la main droite, est en train de relire une lettre qu’elle vient d’écrire, une de ces lettres charmantes qui vont faire le tour de la noble société. Elle se complaît à cette lecture, n’est pas mécontente d’elle, se sourit même un peu, le tout sans affectation et avec la discrétion d’une honnête personne. Ce n’était point chose aisée, non plus, pour un tailleur de marbre, de vêtir d’une robe de satin, avec des nœuds et agrémens, une femme de physionomie si intéressante, sans troubler par l’étalage des plis et rubans l’impression intellectuelle, tout en donnant à ce vêtement l’ampleur, la souplesse, le mouvement, qui sont nécessaires pour achever l’élégance de la figure. M. Massoulle a résolu la difficulté avec un goût constant et parfait. Mme de Sévigné sera l’une des femmes de lettres les mieux représentées à Ecouen.

Le groupe en marbre Au champ d’honneur, par M. Carlès, est l’ouvrage le plus important qu’ait encore achevé cet artiste connu surtout par de charmans bustes et de bonnes études plastiques. M. Cariés y vise franchement au style héroïque et classique,