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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/737

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qui ont pu séduire ce dernier ne seront regardées par lui que comme des choses dues à sa naissance et à sa position. »

Si l’illusion était à craindre, la précaution pour s’en préserver ne fut pas suffisante. Hautefort arriva bien sur ses gardes et mis en défiance contre la crédulité de Blondel ; mais l’accueil qu’on lui fit fut tel qu’on peu de jours il se laissa convaincre que les bons sentimens dont on lui prodiguait l’assurance ne pouvaient être que sincères. Cette fois le couple royal tout entier se mit de la partie et ce fut l’empereur qui commença. La leçon lui avait été probablement faite d’avance, car il ne resta plus trace dans son langage des méfiances dont il avait consigné Tanière expression dans son mémoire. « Tenons-nous bien unis, dit-il à l’ambassadeur, contre ceux qui ne songent qu’à nous diviser pour en profiter. Tous les ministres vous tiendront le même langage, et quant à l’impératrice, j’en réponds comme de moi-même ; » et il ajouta, écrit d’Hautefort à Louis XV, « qu’ayant lieu de craindre qu’on ne mît sa bonne foi en doute, il était ravi que je fusse ici, pour me convaincre par mes propres yeux et me mettre à portée de rendre fidèlement compte à Votre Majesté : qu’il me parlait avec la candeur et la probité d’un bon bourgeois, que le titre qu’il estimait le plus de tous ceux qu’il pouvait avoir, était celui d’honnête homme. Enfin il me recommanda, si j’étais embarrassé de quelque chose, de m’adresser toujours à lui. »

Marie-Thérèse, parlant à son tour, crut devoir, elle aussi, répondre de la sincérité de son époux, et cette caution (pour le dire en passant) avait peut-être plus de valeur que l’autre. « Fiez-vous à l’empereur, dit-elle, il n’y a pas de plus honnête homme que lui : plus vous le connaîtrez, plus vous en serez convaincu : c’est un bon et honnête gentilhomme plein de candeur, et la bonne foi dont il est ne laisse pas que d’être une chose rare chez les princes. Je sais qu’il y a, à ma cour même, des ministres étrangers qui ne cessent de se déchaîner contre moi, de tenir les propos les plus durs et les plus dénués de vérité. On croit que je ne songe qu’à la Silésie. Je puis vous jurer que je n’y pense en aucune façon à présent. Je ne dis pas que je ne la regrette pas. Je ne dis pas que, si la suite des temps amenait des circonstances favorables, je ne penserais peut-être pas à la ravoir : mais je répète que je n’y pense pas dans le moment présent. »

Puis elle engagea aussi l’ambassadeur à s’adresser toujours à elle, et, s’il craignait de se faire remarquer par de trop fréquentes audiences, elle lui indiqua le moyen de faire arriver ses communications par un autre intermédiaire que son chancelier d’État, le comte Uhlfeld, brave homme plein de probité, mais qui avait le