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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/848

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de chevalier romain, était revenu vieillir avec sa femme, Cornelia Valentina, dans sa ville natale, qui s’empressa de l’honorer de dignités sacerdotales ; et c’est pour reconnaître cet honneur qu’ils firent construire le marché. On y avait mis leur statue, dont on a retrouvé quelques débris. Le centre de la cour rectangulaire est orné d’une fontaine élégante ; tout alentour s’élevaient des portiques dont les colonnes sont à terre. J’ai cru voir que les chapiteaux portent des feuilles retombantes moins travaillées que l’acanthe et qui ressemblent davantage à celles du palmier. Ces portiques abritaient sans doute les marchands et les acheteurs aux heures chaudes du jour ; ceux qui n’y pouvaient pas trouver de place circulaient dans la partie découverte, autour de la fontaine. L’abside du fond devait être réservée à des commerces plus importans.

On y distingue sept boutiques, séparées par un mur les unes des autres et assez bien conservées. Une d’elles porte encore sa dalle de granit scellée dans le mur des deux côtés, et qui servait de table pour étaler la marchandise. Comme cette dalle est placée en avant de la boutique et qu’il n’y a pas sur les côtés de porte pour y pénétrer, il faut bien croire que le marchand passait par-dessous, en se baissant, quand il voulait entrer. C’est ce que j’ai vu faire plus d’une fois dans les souks de Tunis. — Ces pays-ci sont conservateurs de nature ; les habitudes ne s’y perdent jamais. — On a trouvé dans les boutiques de Timgad des vases de différentes formes et parfaitement intacts qui devaient contenir les fruits ou les liquides que vendait le marchand.

Derrière le marché, sur une hauteur, on aperçoit un amas de ruines énormes, le plus considérable de tous ceux qui couvrent la plaine. Évidemment il y avait là un édifice plus important que les autres, et qui a encore plus souffert qu’eux du temps ou des hommes. Nous aurions grand’peine à deviner ce qu’il pouvait être, si nous n’étions fort à propos renseignés par une inscription qui décorait autrefois le fronton. Elle nous apprend que, sous le règne de Valentinien Ier, les portiques du Capitole, qui tombaient de vieillesse, furent reconstruits par les magistrats municipaux et que l’ouvrage fut dédié par le consulaire Ceionius Cœcina Albinus, un des grands personnages de l’Empire et l’un des derniers païens. Nous avons donc sous les yeux ce qui reste du Capitole de Timgad. Toutes les villes qui voulaient se donner un air romain avaient soin de se bâtir un Capitole, et y adoraient Jupiter entre Junon et Minerve. Il y en avait beaucoup en Afrique. Celui de Constantine possédait un très riche trésor, dont nous avons conservé l’inventaire. Nous ignorons ce que pouvait