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est donc démontrée. Non qu’il faille entendre par là que tous les hommes, tous les peuples, toutes les races soient capables de concevoir et de comprendre une morale également élevée au point de vue philosophique et scientifique ; mais la moralité n’est pas la science morale. Nul être humain n’est pourvu d’une moralité à sa portée, cela suffit : l’homme est sacré pour l’homme.


II

Après l’unité, il est légitime de montrer les diversités qui se sont produites entre les races humaines ; nous avons marqué leur commun point de départ, comment se sont-elles de plus en plus différenciées ? — Par la sélection et par l’hérédité. D’une part, les cerveaux ont acquis peu à peu un plus grand nombre de caractères fixes : ils sont devenus plus riches d’instincts ou de tendances, l’héritage cérébral va sans cesse en augmentant chez les races progressives. D’autre part, outre le capital déjà fixé que l’homme apporte en naissant, il possède aussi un capital mobile qui est de plus en plus considérable. Nous voulons dire que le cerveau, en même temps qu’il naît avec plus de parties fixes, a aussi plus de parties malléables et plastiques : il est à la fois plus perfectionné dès sa naissance et plus perfectible après sa naissance. Ce n’est pas tout. Si on considère la masse entière d’une race devenue supérieure, on y trouve plus de cerveaux capables de grands écarts par rapport à la moyenne : c’est-à-dire que la fécondité en talens et en génie y est plus grande. M. Gustave Le Bon et d’autres anthropologistes l’ont fort bien observé : sur mille Européens pris au hasard, il y en aura neuf cent quatre-vingt-quinze qui ne seront pas intellectuellement supérieurs au même nombre d’Hindous également pris au hasard ; mais ce qu’on trouvera chez les mille Européens et ce qu’on ne rencontrera pas chez le même nombre d’Hindous, ce seront un ou plusieurs hommes doués d’aptitudes exceptionnelles. Les différences existant entre les races supérieures et les races demi-civilisées ne consistent donc pas toujours en ce que la moyenne intellectuelle de la masse est inégale dans les deux races, mais en ce que la race inférieure ne renferme pas d’individus capables de dépasser un certain niveau. M. Le Bon croit avoir reconnu, après des recherches effectuées sur un nombre considérable de crânes appartenant à des individus de races différentes, que les races supérieures possèdent toujours un certain nombre de crânes d’une vaste capacité, alors que les races inférieures n’en possèdent pas. On peut dire, par conséquent, que la perfectibilité croît avec la perfection déjà acquise et fixée dans le cerveau. En outre, cette