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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/951

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d’Uhland, « intraduisible, dit-il, car elle est comme une suite de phrases que leur sens aurait abandonnées. »

Et quelques jours plus tard, le 26 janvier 1849, sur son lit de l’hôpital de Bâle, Beddoes s’empoisonne, après avoir griffonné au crayon cette lettre à un ami d’autrefois : « Mon cher Philipps, je ne suis plus que de la nourriture pour les vers. J’ai fait un testament que je demande qu’on respecte : j’y joins une donation de vingt livres sterling au docteur Ecklin, mon médecin d’ici. Mon cousin Ed. Beddoes aura cinquante bouteilles de Champagne (Moët 1847) pour y boire ma mort. Vous êtes un brave homme : et il faut que vos enfans prennent bien soin de vous ressembler. Votre (autant du moins que je suis mien) T. L. B. Amitié à tous. Entre autres choses que j’ai manquées, j’aurais dû être un grand poète. »

J’aurais encore à signaler plusieurs articles intéressans consacrés, dans les Revues de ces mois passés, à des écrivains anglais d’autrefois et d’aujourd’hui. Ainsi, dans la New Review d’août, M. Hall Caine, un romancier à la mode, publie une longue étude sur Shakespeare romancier : mais on entend bien que M. Hall Gaine veut montrer simplement que Shakespeare, ayant tout prévu, avait prévu aussi le roman moderne, et avait, par avance, employé tous ses procédés. De même j’aurais aimé à rendre compte de l’article de la Contemporary Review sur l’Art du Romancier, si l’auteur de cet article, miss Amélie B. Edward, avait, suivant sa promesse, étudié l’évolution du genre du roman depuis ses origines jusqu’à notre temps ; mais elle a surtout, en fin de compte, établi un parallèle entre Dickens, Trollope et Thackeray, tout au désavantage, naturellement, du premier de ces romanciers, qui n’était, d’après elle, qu’un caricaturiste et d’un ordre assez bas. Car on sait qu’il est de bon ton, en Angleterre, de dédaigner Dickens, et de considérer chez lui comme une sensiblerie grossière cette pénétrante émotion, cette fièvre de pitié et de sympathie qui, bien plus encore que son humour, ont contribué à le faire aimer dans le monde entier.


T. DE WYZEWA.