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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/127

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collègue. Il explique le « livre de texte », le paraphrase plus ou moins, indique une leçon, et la fait réciter. Où est la liberté du maître et de l’élève, la variété, le renouvellement d’idées qui sont la marque et la vie de l’enseignement supérieur ? En quoi le cours d’université, ainsi compris, diffère-t-il d’une classe d’école primaire ? Quelle ouverture d’esprit peut-on attendre de la majorité de ces jeunes gens, asservis au livre de texte, voyant le monde à travers la même lucarne, et apprenant des leçons quand il faudrait tous ensemble, étudians et professeurs, chercher des chemins nouveaux ? Les hommes les mieux informés et les plus patriotes ont déploré devant moi le coup fatal que cette routine portait à toute initiative. Ils m’ont dit que les facultés de médecine commençaient à réagir, et que la vieille méthode disparaîtrait bientôt, pour le plus grand bien de l’Espagne. Je le souhaite avec eux, et je reviens aux étudians.

Quelques-uns disposent de 3 ou 4 francs par jour. Ce sont les riches, qui, pour ce prix-là, trouvent une pension complète, et jouissent d’une réputation de nababs, auprès des pauvres bacheliers. Ceux-ci, les plus nombreux et les plus travailleurs, cherchent des bourgeois de Salamanque qui veuillent bien les recevoir, comme on dit ici, a pupilo, dans des conditions infiniment plus modestes. Il y a le pupille à 1 fr. 50 par jour. Il est logé, nourri, éclairé, mais il doit apporter son lit et faire blanchir son linge à la maison paternelle. Les moins bien pourvus par la fortune seraient reconnus tout de suite, par le pauvre bachelier de Le Sage, pour des frères et des continuateurs. Ils réduisent la dépense dans des proportions qui tiennent de la légende. On les voit arriver, au commencement de l’année scolaire, du pueblo lointain de la Castille ou du Léon, avec leur lit, leur provision de garbanzos, — ce sont des haricots tout ronds, — de chorizos, ce petit saucisson espagnol qui est excellent, de lard, de morue sèche. Ils achèteront les légumes verts ; l’eau sera leur boisson ordinaire, et, pour la cuisine, l’éclairage et le loyer, ils paieront à leur hôte une somme qui varie entre 7 et 10 francs par mois.

Ils ne font plus guère parler d’eux, dans la ville qui ne fait plus parler d’elle. Quelques fêtes, quelques séances solennelles, des nouvelles d’examens ou de concours dont le bruit franchit parfois les murs de l’Université, et c’est tout. Ainsi j’apprends qu’aujourd’hui, les candidats aux bourses pour le doctorat ès lettres ont commencé les épreuves du concours, et que les trois sujets de dissertation proposés étaient ceux-ci : « Influence des Bénédictins sur la civilisation européenne ; — la France sous le règne de la Pompadour ; — les poèmes d’Homère et leur influence sur les épopées postérieures. »