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discussion en a été interrompue pendant plusieurs mois, entamée, abandonnée, reprise : on se tient pour très heureux lorsqu’elle aboutit enfin le 31 décembre à minuit.

La conséquence est facile à dégager. Nos budgets entrent en exercice le 1er janvier, près d’un an après avoir été présentés et quinze mois après avoir été préparés par le gouvernement. Aussi les chances d’erreurs dans le calcul des besoins auxquels ils s’appliquent et des recettes qui y correspondent sont-elles en quelque sorte à leur maximum, et l’on s’en aperçoit chaque année davantage par la nécessité où l’on se trouve de demander des crédits supplémentaires pour des objets imprévus ou insuffisamment pourvus ; par des annulations de crédits qui, à la vérité, atténuent le premier mal, mais dénotent elles-mêmes l’empirisme des évaluations originelles ; enfin par un écart plus ou moins considérable entre les recettes prévues et réalisées. Là est le vice de notre méthode actuelle. On a indiqué souvent le remède : il consiste à rapprocher autant que possible le point de départ de l’année financière du moment où le budget est préparé et déposé. En rétrécissant le champ de la prévision budgétaire, on rend celle-ci plus précise : au point de vue parlementaire même, le contrôle des Chambres est mieux assuré et devient plus efficace.

Tout cela avait été senti et exprimé avec une force qu’on n’a jamais dépassée, dès les premiers jours du régime parlementaire en France, sous ce gouvernement de la Restauration où, à travers tant de fautes à éviter, on trouve tant de leçons à suivre. Dans la séance du 15 février 1819, M. de Serre demandait à la Chambre de reporter au mois de juillet le commencement de l’année financière. « Qui donc le déterminera ? disait-il. Vous, Messieurs, vous, d’après les convenances de votre gouvernement, qui seules doivent servir de règle en cette matière. Or, ces convenances dépendent uniquement de l’époque habituelle de vos sessions. Si cette époque habituelle doit être dans la saison morte, dans l’hiver, et il n’est pas possible de le révoquer en doute, cette époque seule fixe l’année financière. En effet, réunie habituellement en novembre, c’est en janvier et dans le mois suivant que vous ferez le budget ; c’est le faire trop tard, nous le sentons tous, pour l’année courante, mais aussi c’est trop tôt pour l’année qui suit. De si loin, dans l’incertitude des événemens, la prévoyance est vaine, une estimation approximative est impossible, les limites posées à chaque nature de dépenses sont illusoires ; on demande trop par la crainte de ne pas avoir assez ; toute règle s’évanouit dans le vague, et l’on rentre dans l’arbitraire. Il faut donc, il faut de nécessité adopter une époque intermédiaire. Cette époque est celle de juillet. Cinq à six mois ne sont pas un terme trop éloigné pour vous empêcher de prévoir les besoins, de limiter les crédits avec précision ; et toutefois ce terme donne le loisir de faire la loi de finance, et d’en préparer