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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/575

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encore, bras sacrés de la charité, et abritez ces pauvres ! »


— Les maisons de Madrid sont, presque partout, très élevées. Les étages se désignent ainsi : primero, principal, segundo, tercero, etc. Le principal correspond à notre premier, dans les belles rues. Les locataires se connaissent tous. L’usage, du moins, leur fournit l’occasion de se connaître. Il veut qu’en prenant possession d’un appartement, on envoie sa carte aux habitans des autres étages, qui rendent immédiatement visite. Dans les provinces, à Séville, par exemple, dès qu’une famille nouvelle s’installe dans une rue, tous les voisins s’empressent de saluer la maîtresse de la maison. On sonne à la grille ouvragée du patio : « Qui est là ? — C’est le numéro 6, ou le numéro 15, ou le numéro 9, qui vient offrir sa maison. » L’étiquette commande, en effet, et cela dans toute l’Espagne, qu’on n’achève pas cette première entrevue sans avoir dit : « Vous m’êtes très sympathique, souvenez-vous qu’au numéro 6, ou au numéro 15, ou au numéro 9, ou au troisième étage, vous avez une maison et une amie. » N’est-ce pas d’une jolie courtoisie ?

Le même sentiment chevaleresque et magnifique a réglé ce petit débat, tout de forme, qui se reproduit chaque jour. Vous admirez un bibelot quelconque, un tableau, une bague. Le possesseur doit se hâter de dire : « Il est à vous ! » et vous de répondre : « Mille grâces, il est trop bien là où il est ! »

A la promenade, aux portes des églises, on est sûr de recueillir, sur le passage d’une jeune fille ou d’une jeune femme, l’une de ces exclamations : « Est-elle jolie ! Mais voyez donc, quelle grâce ! quelle beauté ! quelle robe bien choisie ! que bonita ! que guapa ! » Les mères entendent, et restent dignes ; les filles écoutent et le coin de leurs yeux s’amincit. J’ai demandé à un élégant de Madrid : » Vous connaissiez Mlle X… ? — Non, puisque je ne l’ai pas saluée. — Et vous avez dit : Que guapa ! — C’est l’habitude. — Mais vous avez répété à sa voisine : Que bonita ! Elle était beaucoup moins bien. Où est la sincérité ? — Que voulez-vous, nous autres, à Madrid, nous ne pouvons pas nous en taire : elles ont toutes quelque chose ! »

Les formules épistolaires ou oratoires ne sont pas moins tendres, galantes ou nobles, suivant les cas. J’en ai fait collection. Un père terminera ainsi une lettre à sa fille : « Tu sais combien je taime. Beaucoup ton père, un tel. Ya sabes que te quiere mucho, mucho tu padre… » On écrit à un supérieur : « Mon très seigneur et de ma plus grande considération ; » à un homme, on baise les mains, toujours en abrégé : « Q. b. s. m. Que besa sus manos ; » à une femme, on baise les pieds : « Q. s. p. b. » Mais