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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/452

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Majesté tout ce qui se passera de remarquable en fait d’antiquités, d’art, de festivités dans l’Italie et à Rome ; vous examinerez les pièces et papiers relatifs à l’histoire de Suède qui se trouvent dans les bibliothèques de Rome… Vous rendrez vos bons offices aux Suédois séjournant à Rome, surtout à ceux qui y étudieront les arts et les antiquités… Vous serez délivré de toutes autres affaires étant nommé agent de Sa Majesté uniquement pour ces nobles objets. » C’est en conséquence de ces instructions que François Piranesi entretint une correspondance suivie avec le baron Fredenheim, chef de la chancellerie suédoise et avec le roi lui-même.

Ces papiers encore inédits sont conservés, originaux et minutes, dans les archives royales ainsi qu’à la bibliothèque de Stockholm et au musée, et offrent d’utiles renseignemens pour la chronique romaine concernant les beaux-arts pendant cette dernière période du XVIIIe siècle. Quoique si bien désigné, il eut cependant des rivaux ; ce lui fut une vive déception de voir le sculpteur suédois Sergell faire accepter du roi l’achat d’une série de statues représentant les Neuf Muses aujourd’hui au musée de Stockholm ; aussi il faut voir comment il en parle dans une lettre à Fredenheim : « Elles ne sont, dit-il, ni Muses, ni belles… Nous savons comment elles ont été ramassées et restaurées. » Il n’avait pas tort ; de style médiocre, elles venaient en effet de provenances diverses ; la Calliope doit être une Isis, les têtes n’appartiennent pas toujours aux corps, et le tout a été réuni et restauré pour former un ensemble. François Piranesi fut certainement plus heureux quand il réussit à faire acheter par Gustave III la statue de l’Endymion : elle est aujourd’hui le meilleur morceau du musée d’antiques de Stockholm.

C’est une œuvre distinguée, antérieure peut-être à l’époque d’Adrien. Plusieurs peintures de Pompéi offrent le même motif, de sorte qu’il y a lieu de supposer un modèle commun, perdu aujourd’hui, qui aurait été fort estimé dans l’antiquité même. L’Endymion avait été trouvé au mois d’août 1783 encore dans les ruines de la villa Adriana, près du lieu appelé Cento camerelle. Il était enfermé, parait-il, dans une petite chambre aux parois revêtues de marbre. Il faudrait connaître les détails de la fouille pour savoir si l’on doit compter cette statue au nombre de celles qui avaient été cachées avec soin pour être soustraites aux recherches des dévastateurs. Tels ont été, comme on le sait, l’Hercule doré de la salle ronde au Vatican, la Vénus du Capitole, le buste de Caligula, etc. L’achat coûta en tout seize mille huit cents rigsdales de Suède, et fut décidé le 19 août 1785.