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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/453

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L’affaire ne s’était pas terminée sans difficultés, et Piranesi les expose en détail dans ses dépêches : « En attendant, il n’en faut rien dire au pape de peur qu’il ne veuille la garder. Dès que la chose sera décidée, comme la statue est déjà hors les murs, je la ferai encaisser sans bruit et amener à la rivière… Il y a eu quelques velléités de la Russie à l’égard de notre statue, mais ces gens-là vont très lentement et j’espère qu’ils seront dupes. »

Ce qui importait surtout à F. Piranesi, c’était de bien vendre à Gustave III sa propre collection, formée par son père ; il en demande 6 253 sequins ou une rente viagère de 630 sequins ; cette dernière offre fut acceptée, et le roi attendit avec impatience l’arrivée des caisses qui contenaient ces antiques. Il passa presque une nuit, tout joyeux, à les voir ouvrir et à prendre connaissance de ce qui allait constituer son musée royal. Nous trouvons dans les papiers de Piranesi deux catalogues de cette collection, rédigés l’un en français, l’autre en italien ; tous deux, croyons-nous, inédits. Ils sont curieux, car ils donnent généralement les provenances ; c’est souvent l’inépuisable villa Adriana dont il indique alors soigneusement les emplacemens divers ; il note en outre les restaurations et donne le nom des restaurateurs, de sorte que ce catalogue, avec toutes ces informations, est un vivant tableau du marché romain.

Cependant, l’opinion était de plus en plus émue devant ce lamentable exode de tant de chefs-d’œuvre et l’appauvrissement de la Ville éternelle, source des trésors qui allaient enrichir toute l’Europe. Deux princes qui se succédèrent alors sur le trône pontifical, l’actif et zélé Ganganelli, Clément XIV, l’intelligent et généreux Braschi, Pie VI, résolurent non seulement d’appliquer plus sévèrement les lois qui devaient régler l’exportation des objets d’art, mais d’entreprendre, pour le compte de la Chambre pontificale, des achats et des fouilles dont les résultats formeraient un nouveau musée.

Ce fut l’origine du Musée Pio-Clementino. Le Musée du Capitole, commencé par Innocent X au milieu du XVIIe siècle, accru par les soins de Clément XII, Benoît XIV, Clément XIII (1730-1769), était comble. Le Belvédère du Vatican possédait, depuis Jules II, un certain nombre de statues très célèbres, mais là aussi la place manquait. On prit donc le parti de transformer l’appartement d’Innocent VIII, qui datait de la fin du XVe siècle et que décoraient des peintures du Pinturicchio, en une galerie, et de joindre, par des constructions nouvelles, le Belvédère aux autres portions anciennes du palais. Clément XIV chargea Jean-Baptiste Visconti, le père d’Ennio Quirino, le plus connu de