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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/543

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le jeune homme par la vanité, l’enfant qu’il est encore, par la peur. Qu’est-ce que ces devins et ces astrologues consultés sans cesse par le Concini et par sa femme, sinon des jeteurs de maléfices et de mauvais sorts ? D’ailleurs, on montre, sous le manteau, des lettres, vraies ou supposées, de Barbin, « pleines de desseins contre sa personne sacrée. » On attire son attention sur ce fait, que les gardes de la reine sont substitués à ses propres gardes, comme si on eût eu dessein de tenir sa personne en la puissance de cette troupe. A la moindre indisposition, on laisse comprendre avec des gestes d’effroi, des attentions inquiètes, des demi-allégations, des réticences, qu’il pourrait bien être question de poison.

Sur ces entrefaites, Concini fait une faute lourde. Il part pour la Normandie. Il va surveiller les fortifications de Quillebœuf qui n’avancent pas assez vite à son gré. Il laisse la place à ses adversaires. Ceux-ci, moins attentivement surveillés, mettent les fers au feu pour le coup décisif. D’ailleurs, ils sentent qu’il faut en finir. Soissons a été investi, le 6 avril. En même temps, Rethel est assiégé. Le duc de Nevers demande à s’arranger. Le 13 avril, on délibère au Conseil sur ce qu’il y a à faire. Le roi y assiste deux fois, ce qui n’est guère dans ses habitudes et, à l’issue de la réunion, il va, chaque fois, rendre compte à Luynes. La réponse arrêtée est dure pour Nevers. On lui demande, en somme, une capitulation sans condition. Rethel se rend le 16. On attend, de jour en jour, la prise de Soissons. Si on tarde jusque-là, Concini l’emporte… Il rentre à Paris, le 17, décidé à en finir lui aussi. Le drame se noue. Les deux partis sont résolus. Ils se surveillent sournoisement.

Les résolutions extrêmes paraissent avoir été envisagées, pour la première fois, au début d’avril, trois semaines avant l’exécution. Tout d’abord, on avait songé à s’enfuir vers l’armée des princes et à leur demander main-forte. Mais les ministres, comme on l’a vu, avaient probablement eu quelque soupçon de ce projet, puisqu’ils avaient contremandé le voyage du roi. Au retour du maréchal d’Ancre, Louis XIII et Luynes commencèrent à parler entre eux de l’arrestation et même de la mort du maréchal. On pensa d’abord à le faire tuer dans le cabinet d’armes du Louvre, en présence du roi. par un homme seul, Montpouillan, fils du maréchal de la Force, qui se chargeait du coup. Mais on renonça vite à ce dessein trop aventureux. On revint vers l’idée de l’arrestation. Chaulnes, frère de Luynes, conseilla de s’adresser au baron de Vitry, capitaine des gardes du corps, homme d’exécution. Il fut soudé par le sieur du Buisson, commis subalterne de la volerie, — car tout cela se passe entre assez minces personnages. Vitry se dit prêt à faire tout ce que le roi lui commandera. C’est le