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qu’ils pourront gagner plus d’argent et plus vite. Toute cette population du Witwatersrand n’y restera qu’aussi longtemps que dureront les mines, et dans quarante ans, cinquante au plus, il ne subsistera sans doute de Johannesburg que des maisons en ruine, et des mines, que des entassement de tailíngs et de résidus variés. Les Boers sont aujourd’hui les seuls agriculteurs, ils seront probablement alors de nouveau en grande majorité dans le pays. Les uitlanders sont des passans, qui n’ont d’autre droit que de demander à exercer tranquillement leur industrie et n’ont pas à s’immiscer dans le gouvernement. Ceux qui ont réellement l’intention de s’établir au Transvaal et d’y faire souche y resteront plus de quatorze ans et auront alors tous les droits des Boers. Quoi d’étonnant d’ailleurs à ce que ceux-ci imposent un aussi long stage en face de la prétention inouïe qu’ont les Anglais de ne pas perdre leur nationalité primitive en se faisant naturaliser au Transvaal ? Peuvent-ils accepter parmi eux des concitoyens qui auraient en même temps une autre patrie ? Nul peuple n’y consentirait.

Quant au cri de no taxation without representation, il n’est nullement justifié ici. Ceux qui paient les impôts, presque tous perçus sur les mines, ce sont les actionnaires : d’après les chiffres mêmes publiés par un journal anglais bien renseigné, le Statist, deux cinquièmes de ceux-ci, ou 40 pour 100, sont Français ; un huitième, ou 12 et demi pour 100, Allemands ; et les autres, soit 47 et demi pour 100, moins de la moitié, Anglais. Ceux qui seraient représentés seraient les habitans de Johannesburg, qui, personnellement, paient fort peu de taxes. Dira-t-on que les élus des représentans des compagnies à Johannesburg seraient en quelque sorte les représentans des actionnaires ? Il ne paraît guère y avoir harmonie entre ceux-ci et les administrateurs locaux. Certes aucun des Français et des Allemands engagés dans les mines du Transvaal n’a vu d’un bon œil les récentes agitations ; et sans doute beaucoup des actionnaires anglais n’en étaient guère plus satisfaits. Ils sont tous au contraire à bon droit inquiets de savoir avec quels fonds on a payé les fusils et les canons dont on a armé les insurgés. Tout ce qu’on est justifié à demander aux Boers dans ce sens, ce sont des institutions municipales plus complètes pour Johannesburg et les autres centres miniers ; mais ils ne sont pas gens à accorder la moindre concession tant qu’on leur parlera avec des menaces.

Quant à une modification complète des lois électorales, les Uitlanders, ou plutôt les Anglais, qui sont seuls à la demander, ne pourront l’arracher que les armes à la main, car les Boers savent que le résultat d’un pareil changement serait la perte pour