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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/299

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dentelé, à la brette, aux piquantes hachures, au rustique, à la boucharde. Après l’avoir ainsi frappé à coups redoublés pendant des heures, — il faut une grande journée pour un mètre de parement, — après avoir usé ses résistances par la scie au grès et à eau qui l’a divisé de part en part, l’homme tient le bloc à sa merci. Il achève par la douceur la conquête commencée par la violence : les puissantes caresses de la ripe de fer, effaçant les dernières aspérités de sa surface, mettent ce cube géométriquement préparé en état de remplir son office. Sa valeur marchande était de 50 francs peut-être, au sortir de terre : les 7 ou 8 mètres superficiels de façon qu’il a reçue, dans tous les sens, ont doublé cette valeur, que le transport accroît encore.

Arrivée au chantier, la pierre est aussitôt prise en « attachement », consignée sur un registre. La constatation des matériaux introduits et employés est journellement faite par le maître-compagnon, responsable des fournitures qu’on lui livre, comme le directeur d’une prison l’est des prévenus qu’on lui amène et qu’il porte sur son livre d’écrou.

Une hiérarchie nécessaire, une spécialisation minutieuse existe parmi cette troupe de salariés que le public nomme indistinctement des maçons ; depuis les garçons qui, le soir, balayent la rue, allument les lanternes, ramassent les ronds-de-paille et les cordages, jusqu’au maître-compagnon qui commande à vingt catégories distinctes, concourant à ce que nos pères appelaient les « œuvres de maçonnerie ». L’appareilleur, dont j’ai parlé plus haut, demeure indépendant de cette juridiction, agissant sous sa responsabilité propre, détaillant les façades sur ses « carnets », pierre par pierre, avec l’aide de son souffleur qui tient la règle sous ses yeux. Les « limousinans » construisent les murs en moellons ou en meulières ; les briqueteurs seuls mettent la main aux cheminées ; et nuls ne touchent au béton que les cimentiers. Les « maçons » travaillent exclusivement le plâtre : « fins et élégans », ils s’adonnent à la moulure, « traînent » en se jouant les corniches au calibre et excellent à couper un retour d’angle ; simples « laraudeurs », ils bornent leur ambition aux plafonds unis et aux enduits ordinaires. Quant à la pierre de taille, elle passe successivement, avant de prendre son poste définitif, par les mains de cinq espèces d’ouvriers différens.

Dès que les murs de cave touchaient au ras du sol on a dressé les sapines, ces tours formées de quatre mâts unis, au milieu