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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/332

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puisque la nouvelle méthode donnait de meilleures racines que l’ancienne, les cultivateurs réclamaient (sans succès au reste) qu’il leur en fût tenu compte.

Ce n’est pas seulement par le mode de culture suivi qu’on peut améliorer la qualité des racines récoltées. On y réussit également par le choix judicieux de la graine. Dans les études que nous avons faites sur ce sujet, il y a vingt ans, nous avons donné, M. Frémy et moi, une démonstration précise de cette notion, encore un peu vague à cette époque. Dans un même tonneau rempli de terre artificielle pourvue d’engrais convenable, nous avons semé une graine appartenant à la variété Vilmorin améliorée et une autre à une race très répandue alors : la betterave à collet rose.

Les racines se développèrent à côté l’une de l’autre, soumises aux mêmes conditions climatériques, puisant leurs alimens dans le même sol, entre-croisant, pour ainsi dire, leur chevelu ; et cependant à la récolte on trouva 16 de sucre dans la Vilmorin et 8 dans la Collet-Rose. Visiblement, les fabricans auraient eu grand intérêt à ne recevoir que des racines Vilmorin, mais les cultivateurs se refusaient à les semer car cette race très sucrée est peu prolifique. Au lieu de recueillir 40 ou 50 tonnes de racines à l’hectare, ils en auraient obtenu 20 ou 25 tonnes qui, au prix de 20 francs la tonne, ne payaient plus leurs frais de culture.

Ces rivalités d’intérêt entre les cultivateurs et les fabricans, les discussions acerbes qui s’élevaient au moment du renouvellement des marchés et pendant leur exécution exerçaient une influence néfaste sur l’industrie sucrière. Loin de progresser, elle périclitait ; le nombre des fabriques tombait de 539 en travail pendant l’année 1876, à 449 en 1884 ; et tandis qu’en 1874, qui avait été particulièrement favorable, on avait produit 450 000 tonnes de sucre, on n’en obtenait plus que 316 000 en 1884.

Il y a vingt ans, nous occupions en Europe le premier rang dans la fabrication du sucre ; rapidement nous sommes tombés au quatrième. L’Autriche-Hongrie qui, en 1874, était restée à 222 000 tonnes, s’élevait en 1884 à 557 000 ; l’Allemagne passait en dix ans de 256 000 tonnes à 1 154 000. Ce rapide développement n’était pas dû seulement à une meilleure culture, peut-être à un climat plus favorable, à un outillage plus perfectionné, mais surtout aux faveurs que les gouvernemens avaient accordées à cette industrie. Tandis que chez nous l’impôt continuait à être