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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/381

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C’est ainsi que nous apparaît Zénobie, brillante en dépit de ses malheurs. Elle était mariée à Odeynath, prince de Palmyre, qui jouait alors en Asie un rôle considérable. Pour elle, son origine était illustre : elle descendait des Ptolémées et aimait à rappeler qu’elle était de la race de Cléopâtre. Sa chasteté seule pouvait démentir cette parenté : elle était la plus noble femme de l’Orient et elle en était la plus belle. Son courage et sa hauteur d’esprit étaient d’une héroïne. Néanmoins Trébellius Pollion, en écrivant sa vie, ne la loue qu’à regret. Il lui fait une place dans son histoire des Trente tyrans, et il se plaint d’être obligé d’y introduire une femme. Il s’en excuse sur les malheurs du temps. Mais en dépit de lui-même, il ne peut échapper à la séduction et finit par nous donner de la reine un portrait magnifique.

Cette époque fut extrêmement troublée. L’empereur Valérien, vaincu et fait prisonnier par Sapor Ier, roi de Perse, traînait, au milieu des outrages, les dernières années d’une vie d’abord heureuse ; et cependant son fils Gallien, qui lui avait succédé, se livrait à la débauche et ne faisait rien pour le sauver. Le règne de Gallien a gardé dans l’histoire un caractère odieux. La dignité impériale était abaissée et l’intégrité de l’empire compromise. Ce n’était plus le temps où Rome exerçait son prestige sur les barbares, tantôt en les attirant ou en les transportant sur son territoire, tantôt en les organisant au dehors en qualité d’alliés, d’hôtes ou d’amis. Alors, ces peuples formés au nord en confédérations puissantes et constitués à l’orient en États indépendans, débordaient de toutes parts et forçaient les frontières. Volontiers, Gallien eût laissé les invasions désoler les provinces. Sans autre souci que celui de ses plaisirs, il voyait les séditions militaires lui donner des compétiteurs : l’histoire des Trente tyrans est consacrée à ces princes éphémères, presque tous destinés à une mort violente. Lui, au milieu de ces tragédies, s’en tirait par quelques mots d’un optimisme cynique. Parfois, cependant, il était obligé de prendre les armes. Mais il se contentait de combattre sur le Danube, et, tandis que quelqu’un de ses rivaux défendait les Gaules, il s’en remettait à Odeynath, son légat consulaire, du soin de protéger la Syrie, que les Perses enhardis menaçaient toujours.

Odeynath était un grand homme de guerre. Violent chasseur, il s’était endurci à toutes les fatigues et son audace était extrême. Après la défaite de Valérien, il ne laissa aucun repos à Sapor qui avait pillé la Syrie et se retirait chargé de butin. Il lui enleva ses