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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/241

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remerciait infiniment de ses bonnes intentions, mais qu’il n’avait été l’objet d’aucune menace. En fin de compte il a donné gain de cause au gouvernement russe : le contrat passé avec une banque anglaise pour la construction et l’exploitation du chemin de fer de Niou-tchouan n’a pas été approuvé.

L’irritation, à Londres, a été plus bruyante que jamais, et les partisans de la politique des zones d’influence en ont profité pour dénoncer les résultats négatifs de la politique de la porte ouverte. Le ministère avait cru avoir la porte ouverte dans la zone russe ; il venait de la voir fermer. Mais, de bonne foi, cette épreuve est-elle concluante ? Quoi ! l’Angleterre inquiète la Russie au cœur même de ses intérêts vitaux ; elle introduit, ou veut introduire une ligne de chemin de fer qui coupe Port-Arthur de la Mandchourie, et elle s’étonne de rencontrer de l’opposition ! Il y a des limites à tous les systèmes, et tous les systèmes sont légitimes à la condition de ne pas sortir de ces limites. Nous sommes partisans du système de la porte ouverte, et nous désirons, sans éprouver d’ailleurs à ce sujet la moindre inquiétude, que l’Angleterre trouve dans l’immensité de la Chine un champ libre pour sa prodigieuse activité ; mais si elle venait faire un chemin de fer sur la frontière même du Tonkin, nous protesterions et nous nous défendrions comme vient de le faire la Russie. Nous avons d’ailleurs pris les devans en nous faisant attribuer le chemin de fer de Don-dang, c’est-à-dire de la Porte de Chine, à Long-tcheou, avec prolongement éventuel sur Nan-ning et Pé-sé, et aussi le chemin de fer de Laokaï à Yunnan-fou, et encore le chemin de fer de Pakoï au Si-kiang. Mais l’Angleterre (n’a-t-elle pas fait de même ? N’a-t-elle pas demandé des garanties pour le prolongement éventuel de ses chemins de fer de Birmanie dans le Yunnan occidental ? Certes, elle l’a fait, et elle a eu raison. Elle a, soit dans cette partie du Yunnan, soit au Thibet, ce que nous appelons une zone d’influence naturelle, pour laquelle elle n’a pas besoin de passer d’écritures avec la Chine, et où elle ne permettrait à personne de venir lui faire concurrence. Il faut en dire autant de la région de Hong-kong. Voilà les zones d’influence qui seront toujours respectées ! Les Allemands, depuis leur installation à Kiao-tcheou, ont jugé que la leur s’étendait à la province du Chan-toung. Ont-ils négocié à ce sujet avec la Chine et obtenu d’elle des assurances plus ou moins vagues, comme celles qu’a obtenues l’Angleterre au sujet du Yang-tsé-kiang, et que nous avons obtenues nous-mêmes au sujet des provinces limitrophes du Tonkin ? Ici encore nous disons : qu’importe ? Les Allemands, gens pratiques, considèrent