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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/39

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Quels que soient ses rapports avec la Papauté, l’Italie du Quirinal n’ambitionne pas moins de tenir dans la monde le rôle de protectrice de l’Eglise ; elle envie et jalouse les droits privilégiés de la France. A maintes reprises, et notamment en 1885, les ministres de la monarchie de Savoie revendiquèrent la tutelle des missionnaires italiens et contestèrent le sens du traité de Berlin. En 1888, — M. Crispi étant ministre, — les assauts contre le protectorat français devinrent plus pressans et plus dangereux. Suivant de près la mission de M. Dunn et celle du général Simmons, ces attaques révélaient un plan d’ensemble, une véritable ligue contre notre influence. Pour couper court à ces tentatives, le gouvernement français chargea M. Lefebvre de Béhaine de demander à la Propagande une confirmation officielle de nos droits séculaires. Du Saint-Père et du cardinal Simeoni, alors préfet de la Propagande, notre ambassadeur reçut pleine satisfaction. La circulaire Aspera rerum conditio, du 22 mai 1888, ordonnait formellement à tous les missionnaires, de quelque nationalité qu’ils fussent, de reconnaître tous les droits de la France. Voici textuellement le passage principal de ce document capital : « On sait que, depuis des siècles, le protectorat de la nation française a été établi dans les pays d’Orient et qu’il a été confirmé par des traités conclus entre les gouvernemens. Aussi l’on ne doit faire à cet égard absolument aucune innovation : la protection de cette nation, partout où elle est en vigueur, doit être religieusement maintenue et les missionnaires doivent en être informés, afin que, s’ils ont besoin d’aide, ils recourent aux consuls et autres agens de la nation française. De même, dans les lieux de missions où le protectorat de la nation autrichienne a été mis en vigueur, il faut le maintenir sans changement[1]. » Des textes ne sauraient être plus formels : l’œuvre commencée au XIIIe siècle, sous Saint Louis, par la vaillance des chevaliers francs, a été achevée au XIXe, sous la Présidence de M. Carnot, par la diplomatie de M. René Goblet.

Mais, des textes, si clairs qu’ils soient, ne sauraient suffire aujourd’hui, si la pratique ne venait les vivifier, à maintenir notre protectorat. Au temps du Grand Roi, la France était la plus puissante des nations catholiques, la seule qui, dans les mers orientales, montrât son pavillon et fit craindre ses canons ; les

  1. Ces pays sont : l’Albanie, la Macédoine, la Haute-Egypte.