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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/42

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textes qu’une pratique quotidienne cesserait de confirmer ; — la confiance des chrétiens : presque partout, nous la possédons encore, mais l’or et les promesses semés à profusion par nos rivaux pourraient détacher de la France cette clientèle, toujours si nombreuse, qui va vers la force et forme cortège à la puissance ; — reste la Papauté : au Vatican se décidera le sort de notre protectorat, l’avenir de notre influence. Accord avec Rome, exercice effectif de nos droits, voilà les deux conditions auxquelles nous garderons intangible ce morceau de la patrie française qu’on appelle le « protectorat des catholiques. »

La direction de notre politique internationale peut nous faciliter singulièrement le maintien de notre influence et la résistance à nos adversaires. En Orient comme en Extrême-Orient, l’alliance franco-russe doit, si nous en savons tirer les conséquences, être une politique de résultats et nous aider à conserver intactes les prérogatives que nous ont léguées les siècles passés. C’est l’Allemagne, prépondérante à Constantinople, qui arrête en Orient l’avenir du panslavisme ; c’est l’Allemagne qui, installée à Kiao-Tcheou, peut entraver l’expansion moscovite dans l’Empire du Milieu ; c’est l’Allemagne qui cherche à ruiner en Orient et en Extrême-Orient notre protectorat. Rencontrant le même adversaire en face d’elles, il est naturel que la Russie et la France s’entendent pour une défense commune d’intérêts qui, sans se confondre, se ressemblent. Au tsar est réservée par la force des choses la tutelle de tous les orthodoxes, et à la République appartient le patronage de tous les catholiques ; il est facile aux deux puissances de rester, en Orient comme en Extrême-Orient, chacune sur le domaine que lui assignent les traditions et que délimitent très nettement les confessions religieuses. Ainsi sera prévenue la possibilité même d’un litige et assurée la fécondité d’une alliance que l’instinct populaire a acclamée parce qu’il la devine grosse de triomphes pacifiques.

C’est aux efforts qui sont faits pour nous en dépouiller, qu’il faut mesurer le prix de notre protectorat international. Legs d’un passé qui fut très grand, il ne s’impose pas seulement à nous comme un héritage sacré, mais aussi comme une nécessité pratique du temps présent : « Les vrais hommes de progrès, a écrit quelque part Renan, sont ceux qui ont un respect profond du passé. » Accommoder la force traditionnelle des temps anciens aux circonstances nouvelles et aux formes actuelles du gouvernement