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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/507

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SOTILEZA. SOI barque que de la barque sur le sable, André n’eut pas d’autre moyen que de se laisser embarquer dans les bras de Muergo et de se résigner à y voir à nouveau, sans qu’elle fît la moindre protes- tation, celle qui lui en avait adressé de si violentes pour une pres- sion moins étroite. Tous étant dans le bateau, oncle Meclielin réclama le gouver- nail, parce que le vent fraîchissait encore par instans. André se soumit sans répliquer aux ordres du marin expérimenté. Celui-ci s’assit à la poupe, saisit la barre et, la voile hissée, régla l’écoute à son idée. La voilure résonna tendue et sonore comme la peau d’un tambour de basque, et le bateau se mit en marche en bon- dissant sur les vagues qui le frappaient debout, tel qu’un cheval fougueux qui rencontre une barrière sur son chemin. Comme on devait s’y attendre, la barque, naviguant contre le vent, se cou- cha sur le flanc. André et Sotileza s’assirent du côté opposé pour mieux répartir la charge. Et le bateau, guidé d’une main sûre par ^lechelin, attaquait les vagues avec un assaut fou, et dans cette lutte, il embarquait des paquets d’écume. André avait jeté sur ses épaules sa capote imperméable ; mais Sotileza n’était pas couverte d’un manteau, parce qu’elle n’avait pas consenti qu’oncle Meclielin, vieux et infirme, lui donnai le chapeau et le paletot goudronnés dont il se couvrait pour ne pas se mouiller et qu’il avait, par précaution, emportés à la poche. Les deux jeunes matelots n’avaient pas d’autres vètemens que ceux qu’ils portaient en quittant la maison. Aussi, pour ne pas être transpercée et ne pas gâter son « beau costume, » déjà pas mal mouillé, Sotileza n’eut-elle d’autre alternative que d’accepter la moitié de capote qu’André lui offrait avec insistance. Ainsi ces deux êtres, jeunes et beaux, se virent abrités sous une même enveloppe de quelques mètres d’étoffe et très serrés l’un contre l’autre, car on ne pouvait prendre trop de précautions contre l’eau qui sautait sans cesse de ce côté. André, se rappelant la scène de tout à l’heure, essayait de gêner sa compagne le moins qu’il pouvait, mais cesser de se rapprocher d’elle par quelque endroit lui était impossible, parce que la capote ne permettait pas de prendre ses aises. Muergo et Cole ôcopaient à clKKjue moniciit l’eau qui embar- quait. Oncle Meclielin ne quilUiit des yeux ni la direction ni la voilure. Et la barque, volant, franchissait les vagues, tombait dans leurs vallées et s’élevait sur leurs crêtes. Parfois un seul