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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/532

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sont d’abord obligés de passer ? C’est ce qui fait que nous trouverons tout ensemble en Angleterre et de si fortes personnalités et une telle puissance d’association pour des œuvres impersonnelles.


I


On a voulu chercher l’explication de l’individualisme anglais, tel que nous l’avons défini, dans le mélange spécifique des races qui ont peuplé la Grande-Bretagne. L’ancienne couche ligure fut recouverte par l’élément celte, qui d’ailleurs en est voisin et auquel se mêla de bonne heure l’élément Scandinave. Tacite distingue déjà les Calédoniens, grands et à cheveux roux, des Silures à cheveux noirs. Aujourd’hui, la Grande-Bretagne est partagée entre les élémens liguro-celtiques et les élémens germaniques, mais ceux-ci ont conservé un notable avantage. Le type brun à tête large reprend cependant le dessus dans les villes, depuis plusieurs siècles, et finira par exercer son influence envahissante. Le mélange de sang celto-ligure et de sang germain, qui, pour l’anthropologie, rend la Grande-Bretagne si analogue à la Gaule antique, est peut-être la raison pour laquelle le tempérament anglais, quoique souvent flegmatique, est plus nerveux que celui du Germain pur. La race anglo-saxonne est la première du monde pour la taille (classe ouvrière : 5 pieds anglais 9 pouces 1/4), après les Polynésiens et avant les Patagons. Cette race est aussi la première entre les nations civilisées pour le poids du corps, pour la capacité pulmonaire, pour la force physique. C’est un superbe spécimen du sanguin flegmatique et nervo-moteur.

Bien qu’il soit vraisemblable, comme on l’a soutenu, que des Sardes, mis en Angleterre à la place des Anglo-Saxons, n’eussent pas mieux su profiter de la situation géographique qu’ils ne l’ont su en Sardaigne, nous croyons que les considérations ethniques sont insuffisantes pour expliquer et le caractère et Ihistoire d’un peuple : l’Angleterre en est la preuve. Entre la Grande-Bretagne, la Gaule et la Germanie, il y avait jadis analogie de composition : deux énormes couches de Celtes et d’hommes du Nord, avec une addition plus notable d’élémens méditerranéens en Gaule. Il faut donc chercher d’autres facteurs du caractère ; et ces facteurs ne se peuvent trouver que dans le milieu physique et surtout dans le milieu social.

Taine, à la suite de Montesquieu, a insisté outre mesure sur