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renvoyer aux ouvrages spéciaux publiés sur cette industrie dont le moine Théophile, dans la deuxième partie de son célèbre ouvrage Diversarum artium Schedula, a décrit, dès le XIe siècle, avec tant de copieux détails, les procédés de fabrication, lesquels sont d’ailleurs encore, et pour la plupart, en vigueur de nos jours. Nous voulons seulement insister en quelques lignes sur la façon dont les corps colorans étaient incorporés dans les matières vitrifiables. Les mélanges étaient préparés suivant la nature des corps dont il était fait usage pour fournir la partie alcaline, on en opérait le frittage, puis on y introduisait les oxydes colorans, et l’on procédait à la fusion.

Quand on voulait modifier la teinte, ou, suivant le terme admis, la corriger, on introduisait dans le verre fondu la quantité d’oxyde jugée nécessaire ; on trouve la preuve que ce procédé était souvent pratiqué par les nombreux morceaux contenant des veines d’intensité variable, surtout dans les verres de teinte foncée, tels que les bleus, qui attestent que les mélanges et la dissolution ne s’en étaient faits que d’une façon incomplète. Ce dernier moyen, auquel on a renoncé aujourd’hui, permettait au verrier d’obtenir d’une façon presque certaine le ton dont il avait besoin. Ces veines, qui forment des dégradations de teintes quelquefois très accusées, ne nuisaient en rien au vitrail, elles produisaient au contraire un chatoiement favorable à l’effet général. Le plus souvent, la fabrication des verres était faite par les artistes eux-mêmes qui devaient les utiliser ; ils en suivaient les phases successives avec le plus grand soin. Ayant besoin de quantités relativement faibles de verre d’une même teinte, on en produisait peu à la fois ; aussi les creusets étaient-ils de faible capacité et ne contenaient guère, d’après les indications données par Théophile, plus de 60 à 70 kilogrammes de verre fondu. On comprend que, dans ces conditions, il était difficile d’obtenir des manchons ou plateaux de dimensions un peu importantes, et qu’ils devaient contenir de nombreux défauts, tels que bulles, stries, cordes, provenant de l’opération même du cueillage dans un vaisseau de capacité relativement faible ; ces creusets, faits en forme de cuvettes ouvertes, étaient introduits dans des fours de petites dimensions, chauffés au bois. Il existe encore en Normandie et en Bohême des verreries où la fusion du verre s’opère dans des conditions analogues, sauf que les dimensions des creusets et des fours sont plus grandes, excepté en Bohême. Ces fours