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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/527

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Quand ce cycle sera parcouru, le problème le plus aigu des temps modernes, celui qui paraît le plus insoluble, sera résolu pratiquement et pacifiquement par la réconciliation du capital et du travail. »

N’est-ce pas là s’avancer beaucoup ? Il y a quelques années, je crois avoir démontré ici même que, si la mutualité était réduite à ses propres forces, elle demeurerait impuissante à soulager quelques-uns des maux auxquels on lui demande de porter remède[1]. Mais je n’avais traité la question qu’à un point de vue très général. Je voudrais aujourd’hui la reprendre, en la serrant de plus près, et étudier en particulier les applications de la mutualité entre femmes. Les ouvrières font beaucoup moins parler d’elles que les ouvriers. Cela tient peut-être à ce qu’elles ne sont point électeurs. Mais ce n’est pas une raison pour ne point s’occuper des questions qui les concernent. Il se pourrait même que ce fût le contraire.


I

Quand on feuillette le volumineux rapport que le ministre de l’Intérieur adresse tous les ans au Président de la République sur la situation des sociétés de secours mutuels, ce qui frappe au premier abord c’est l’écrasante disproportion entre le nombre des femmes affiliées à ces sociétés, et celui des hommes : 418 227 femmes contre 1 141 758 hommes, d’après le dernier rapport, qui porte sur l’année 1895. Il n’est pas malaisé d’ailleurs de trouver la cause de cette disproportion.

L’affiliation à une société de secours mutuels suppose le paiement régulier d’une cotisation. Pour arriver à verser cette cotisation, il faut que l’ouvrière soit en mesure d’économiser quelque chose sur son salaire. Or, combien y a-t-il d’ouvrières qui soient en état de le faire ? Pour répondre à cette question, je pourrais renvoyer mes lecteurs à la dernière statistique publiée par l’Office du travail, qui nous apprend que le salaire moyen de la femme employée dans l’industrie est de 2fr. 20, et leur demander ensuite combien ils estiment qu’une femme qui doit pourvoir à tous ses besoins, logement, nourriture, habillement, peut économiser sur un salaire de 2 fr. 20 par jour. Mais s’ils se méfiaient, non sans raison, de ces moyennes qui souvent ne répondent pas

  1. Voir la Revue du 1er juillet 1885.