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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/691

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aventurière issue de pays exotiques et vagues, et qui est la maîtresse actuelle de Jacques. C’est que Simone a beau faire ; déçue, humiliée, meurtrie, elle ne parvient pas à se déprendre de l’amour qu’elle a quand même pour son mari. Elle ne se fait aucune illusion sur la qualité de cet amour. Elle a pleine conscience de sa lâcheté, et elle en rougit à ses propres yeux. C’est pourquoi elle veut garder pour elle seule ce secret dont elle a honte. Elle ne veut avoir à rougir ni devant les autres, ni surtout devant Jacques. Si quelque jour Jacques devait pénétrer son secret, elle n’aurait plus qu’à mourir. — Ce jour arrive. Jacques a surpris une conversation où Simone fait à la bonne Mme Gallardon l’aveu de son intime misère. Donc Simone met à exécution la promesse qu’elle s’est faite à elle-même : elle se tue.

Tout cela est clairement expliqué ; le cas est posé nettement et la solution qu’on nous fait prévoir de longue main, ne cause pas de surprise. Le sujet ne de vie pas : le dialogue ne s’égare pas. Les personnages de M. Vandérem parlent d’ailleurs une langue châtiée et sobre, sans recherche excessive d’esprit, sans brutalité inutile. C’est le ton de la meilleure comédie. Comment se fait-il donc que la pièce ait été accueillie avec une sorte de froideur et paru languissante ? J’essaierai d’en indiquer les raisons, parce que cette première tentative fait grand honneur à M. Vandérem, et parce qu’il est à souhaiter qu’en restant fidèle au genre de comédie où il vient de s’essayer, il y rencontre un plein et franc succès. Il y a dans le Calice des défauts qui sautent aux yeux et sur lesquels il n’est donc pas nécessaire d’insister. Presque tout s’y passe en conversations ; et l’on sait assez que le théâtre n’a pas pour objet d’exposer des idées, mais de les montrer, de les revêtir d’une forme sensible, de les mettre en action. Lorsque, à la fin du second acte, M. Lemassier reproche à Jacques que Mme Lajiano est sa maîtresse, Simone s’écrie : « Ce n’est pas vrai ! » Ce mot jailli de la situation, et qui résume une attitude, est un effet de théâtre. Il y a dans la pièce de M. Vandérem trop peu de ces effets-là. Les personnages sont trop peu étudiés ; ils nous sont présentés par quelques indications sommaires ; ils n’ont pas de physionomie individuelle ; ils n’ont tous l’air que de comparses. Je sais bien qu’ils ne sont en effet que des comparses évoluant autour de Simone : tout l’intérêt est concentré sur Simone elle seule ; tout le drame se passe dans son cœur ; les autres personnages n’ont donc pas de valeur par eux-mêmes, et ne servent qu’à nous renseigner sur l’énigme. De ce cœur fermé. Mais justement l’erreur de M. Vandérem est d’avoir cru que le « cas » de Simone, si curieux qu’il puisse être, fût de nature à porter tout l’effort d’une comédie, et