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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/815

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chantiers pour le lundi matin 10 octobre, et une partie des grévistes paraît disposée à se contenter des résultats obtenus.

Le même jour, les comités de la Bourse du Travail, démasquant leurs batteries, font appel aux chambres syndicales des boulangers, aux syndicats des omnibus, des cochers, des ouvriers du gaz, et surtout aux syndicats des employés des chemins de fer pour les engager à déclarer la grève générale. En même temps, le Comité central de la grève fait demander à être entendu par le bureau du Conseil général pour l’entretenir de la situation. La démarche est urgente, car l’argent fait défaut. En dépit de la propagande et des appels retentissans, le fonds de grève n’a ! pas atteint 80 000 francs, y compris les 30 000 francs de la Ville et du département et les subventions votées par certaines communes suburbaines ; certains journaux réduisent même ce chiffre à 50 000 francs, et le chiffre des ouvriers sans travail atteint 80 000. Les distributions de secours sont donc illusoires, et les bons de soupe ou de légumes que donnent certains restaurateurs ou marchands de vins sont un palliatif bien insuffisant. Le mécontentement commence à éclater : à la réunion du 40, à la Bourse du Travail, le trésorier Renaud est pris violemment à partie, et il a besoin de l’appui du révolutionnaire Boicervoise pour se disculper des attaques dirigées contre lui. L’assemblée est visiblement hésitante, et le secrétaire général des chemins de fer M. Guérard, le grand promoteur de la grève générale, ne parvient à obtenir la prolongation de la grève qu’en annonçant qu’avant trois jours, son syndicat aura organisé la grève des transports, qui mettra les capitalistes à la merci du prolétariat.

Les compagnies de chemins de fer savaient déjà à quoi s’en tenir sur l’importance du Syndicat Guérard, qui fait parade de ses 60 000 adhérens et qui, d’après ses recettes et de l’aveu même de ses chefs, compte à peine 15 000 à 16 000 membres actifs, recrutés parmi les ouvriers des ateliers et de la voie. Son action sur les employés est à peu près nulle, et la vraie représentation de cette importante corporation, qui comprend 400 000 employés et ouvriers, consiste plutôt dans le Syndicat des mécaniciens et chauffeurs dont M. Guimbert est le président et dans l’Association amicale des Ouvriers des Chemins de fer, qui compte 74 000 membres. Ces deux syndicats se montraient très opposés à la grève. Le gouvernement crut cependant devoir prendre des mesures de précaution, on fit venir des régimens pour garder les gares, les