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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/817

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parlementaires étaient complètement débordés ; ils allaient faire place aux révolutionnaires et aux anarchistes.

De son côté, le Conseil municipal se sentait joué. Les présidens Navarre et Thuillier avaient fait ce même jour, 11 octobre, une dernière démarche auprès de M. Brisson, pour lui demander d’inviter formellement le préfet de la Seine à exécuter intégralement la décision du Conseil municipal et à mettre les travaux en régie. Le président du Conseil s’était borné à répondre aux deux présidens qu’il tiendrait le plus grand compte de leur démarche et qu’il allait en conférer avec le préfet de la Seine. Le préfet n’eut pas de peine à démontrer que la régie, onéreuse pour les finances de la ville, était inutile, puisque la plupart des entrepreneurs s’étaient déclarés prêts à donner aux ouvriers les salaires que ceux-ci avaient réclamés, et il fit publier par l’Agence Havas la note suivante :

M. le Préfet de la Seine a reçu cet après-midi une délégation des entrepreneurs de la Ville de Paris. Les entrepreneurs acceptent la mise en demeure qui leur a été adressée et s’engagent à payer aux ouvriers le prix de 0 fr. 60 de l’heure.

Cette communication porta au plus haut point l’exaspération des socialistes du Conseil, qui voyaient échouer leur plan et perdaient l’occasion d’appliquer leur théorie des ateliers communaux ; mais, en dépit du Conseil municipal et des meneurs de la Bourse du Travail, tout le monde comprend que la grève est terminée et que l’accord se fera, en dehors d’eux et malgré eux, entre les corporations patronales et ouvrières. Déjà, sans attendre le résultat des démarches auprès des ministres, les démolisseurs réunis à la Bourse du Travail ont, par 145 voix contre 86, décidé de reprendre le travail si les patrons signent l’engagement de les payer 0 fr. 65 et 0 fr. 50 de l’heure, chiffres offerts par les entrepreneurs dans leur dernière affiche. L’accord est immédiatement conclu. Beaucoup de terrassiers ont déjà repris le travail, et il est évident que le syndicat ne tardera pas à proclamer la fin de la grève.


IV. — LES GRANDES CORPORATIONS

Cette défection compromettait singulièrement le succès de la grève générale, mais les meneurs s’étaient trop avancés pour