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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/131

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au roi, qui, craignant tout des Japonais et de son père, le Taï-Ouen-Koun, féroce vieillard dont l’ambition troublait depuis vingt ans la Corée et que les insulaires avaient installé au pouvoir, paraissait disposé à l’accepter, mais n’osait quitter son palais où il était, de fait, prisonnier. Une émeute, qui éclata, spontanément ou non, dans la nuit du 11 février 1896, lui en fournit l’occasion : tandis que le Taï-Ouen-Koun était tué, Li-Hsi se réfugiait à la légation de Russie, que venait garder un détachement de marins débarqués au port de Séoul, Chemoulpo, sans que les Japonais osassent l’empêcher. Installé chez le ministre du Tsar, dont le grand salon, divisé par des paravens sur lesquels étaient écrits les noms des divers ministères, abritait tous les organes du gouvernement coréen, ce roi d’opérette, égaré parmi des événemens tragiques, devint le jouet de la Russie comme il avait été celui du Japon et révoqua tous les édits réformateurs qu’il avait dû signer auparavant. Le décret dégradant la Reine fut annulé et le procès des assassins révisé par une haute Cour, comprenant des juges européens de diverses nations, qui en rejeta toute la responsabilité sur les Japonais.

Le mouvement de réaction fut si violent que plus d’une innovation utile y disparut : une commission composée des plus hauts fonctionnaires indigènes et du contrôleur anglais des douanes et de deux Américains fut bien nommée pour s’occuper de la réforme des lois, mais ne tint que quelques séances et n’aboutit à rien. En peu de mois, tous les vieux abus avaient reparu. Néanmoins, par sa prudente et sage conduite, la Russie avait eu l’habileté de mettre de son côté tous les représentans de l’étranger en Corée. Pour conserver un reste d’influence dans ce pays, dont le commerce était pour la plus grande partie entre ses mains et où résidaient 10 000 de ses nationaux, le Japon se vit obligé de s’entendre avec elle. La convention de Séoul, signée le 14 mai 1896 par les représentans des deux puissances, et complétée par celle du 29 juillet, conclue à Moscou, lors du couronnement de Nicolas II, entre le prince Lobanof et le maréchal Yamagata, lui accorda seulement le droit d’entretenir 1 000 hommes de troupes en Corée pour la protection du télégraphe japonais de Fousan à Séoul et de ses nationaux établis dans la capitale et les ports ouverts de Fousan et Gensan. La Russie obtenait d’ailleurs les mêmes droits et était autorisée à construire une ligne télégraphique de Séoul à la frontière sibérienne.