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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/132

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Les deux puissances s’engageaient à donner leur appui au gouvernement coréen pour la réorganisation de ses finances et de forces de police suffisantes pour maintenir l’ordre et leur permettre de retirer le plus tôt possible leurs garnisons. En apparence, c’était une sorte de condominium russo-japonais qui s’établissait en Corée ; mais, en fait, l’influence russe, toute-puissante auprès du roi, continuait de s’exercer sans obstacle, après comme avant le retour du souverain dans son palais, en février 1897. Un décret ordonnait que les chemins de fer à construire en Corée auraient le même écartement de rails que le Transsibérien : la dette de trois millions de yens (sept millions et demi de francs) contractée par la Corée vis-à-vis du Japon était remboursée, et des instructeurs russes étaient seuls engagés pour réorganiser l’armée coréenne, ce que le Japon représentait, il est vrai, comme une violation de la convention de Moscou.

L’influence russe était donc absolument prépondérante en Corée comme en Chine, au début de 1897. Dans l’un et l’autre pays, l’Empire des Tsars avait joué avec une extrême habileté le rôle de protecteur des vaincus contre les abus de force des vainqueurs ; dans le second, il y avait joint celui de redresseur de torts et s’était acquis l’approbation de tous les Occidentaux. Les victoires du Japon semblaient n’avoir été remportées qu’au bénéfice de la Russie, qui, partout, s’était substituée à lui, en Mandchourie comme en Corée, qui avait tout le profit de cette guerre sans qu’il lui en eût rien coûté. Le cabinet de Pétersbourg s’était d’ailleurs montré prudent en même temps que hardi. S’il avait su discerner clairement, dès la fin de la guerre, les avantages qu’il pourrait retirer d’une intervention, s’il avait su prendre des résolutions rapides et énergiques, il avait cependant évité, malgré l’ardeur impatiente de ses chefs d’escadre, de commettre les fautes où était tombé le Japon : de vouloir trop embrasser et d’aller à l’extrême, ce qui n’aurait pas manqué d’amener des complications européennes. Aussi n’avait-il pas encore mis la main sur cette presqu’île du Liao-toung et ces positions si importantes de Port-Arthur et de Talien-wan, qu’il avait obligé les Japonais à quitter, et n’avait-il rien annexé officiellement en Corée ; mais, muni du droit de faire passer un chemin de fer à travers la Mandchourie centrale[1] et de le protéger par des troupes, maître en même temps

  1. Voir à ce sujet, dans la Revue du 15 août 1898, notre étude sur la Sibérie et le Transsibérien.