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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/216

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méthode de Brown-Séquard nous apparaissent à nu. L’hypothèse primordiale, c’est que chaque partie du corps est représentée virtuellement et réellement dans le concert vital par une sécrétion interne qu’elle cède au sang et qui assure l’influence réciproque, la solidarité, et le concert des activités particulières. D’où cette conséquence qu’un tel suc tiendrait parfaitement la place de l’organe dans le fonctionnement total de la machine, au cas où celui-ci serait altéré ou détruit par la maladie. Mais ceci, sous deux conditions implicites : d’abord, que toute la fonction de l’organe se réduise à l’unique fabrication de cette sécrétion interne par laquelle on prétend le remplacer ; et, en second lieu, que l’artifice médical emploiera ce suc au même endroit et dans les mêmes quantités que fait la nature elle-même.

Ce sont ces conditions que l’on méconnaît. De là les échecs des praticiens. Il faudrait s’adresser aux organes dont toute la fonction est de produire une sécrétion interne ; il n’y a dans ce cas que les glandes closes ou vasculaires sanguines. Les autres s’approchent plus ou moins de cette condition, ou même s’en éloignent beaucoup. Tous les élémens cellulaires ne se contentent pas de fabriquer des sucs utiles ; il y en a qui sont investis d’une sorte de fonction de haute police qui consiste à en détruire de nuisibles. On ne peut supposer que la même sécrétion cumule ces rôles divers ou opposés, car elle serait alors le sosie parfait, l’équivalent absolu de l’élément vivant. — La question du lieu de l’intervention n’est pas, non plus, indifférente ; — enfin, l’exemple de la sécrétion hépatique nous enseigne l’importance de la dose, l’excès du sucre dans le sang étant nuisible comme son défaut.

Nous ne parlons pas des difficultés de la pratique, puisque l’ingénieux collaborateur de Brown-Séquard, M. d’Arsonval, les a résolues autant qu’elles pouvaient l’être. En résumé, et pour toutes ces raisons, si l’on voit bien que la plupart de ces tentatives médicales hasardeuses devaient échouer, on voit aussi pourquoi un très petit nombre d’entre elles avaient quelques chances de réussir.


A. DASTRE.