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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/231

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tentait de la proclamer. En présence de cette merveilleuse mise en scène, on se demandait bien s’il n’y avait pas un peu d’excès dans ces manifestations, et si la réalité correspondait exactement aux rêves qu’elles pouvaient faire naître : mais, même en transposant les choses du domaine de l’imagination dans celui des faits positifs, il y restait, certes, des motifs suffisans de satisfaction et de confiance. L’instinct général ne s’y est pas trompé. M. Félix Faure a été l’homme, on serait tenté de dire le héros de ces beaux jours, à la fois si près et si loin de nous. Il a donné à notre pays quelques heures d’une vie intense, et le pays lui en a été reconnaissant. Quant au peuple lui-même, à la foule immense et profonde, son acclamation a été enthousiaste. Tout lui plaisait dans M. Félix Faure. La critique a reproché au dernier président de la République d’aimer la pompe et l’apparat : il les croyait, en effet, nécessaires à l’exercice de sa fonction. L’homme, pour tous ceux qui l’approchaient, était resté sans prétentions personnelles ; le président respectait le protocole, et se considérait comme tenu à en observer les prescriptions mystérieuses. Se trompait-il ? Aux yeux du peuple, non. C’est une erreur de croire que le peuple, — le nôtre du moins, avec l’atavisme particulier qui détermine ses goûts, — aime dans son représentant le plus haut placé la simplicité et le laisser aller de ses propres mœurs. Il veut se reconnaître en beau, en noble, en grand dans l’homme qui est sorti de lui pour le représenter, sur ce qui lui paraît être le sommet de la puissance humaine. Faut-il dire que M. Félix Faure a compris cela ? Il n’a pas eu besoin de comprendre. Fils du peuple, il incarnait, il réalisait spontanément ses aspirations idéales, parce qu’il était lui-même tout idéaliste. Et il a vécu, il s’est laissé vivre dans un rêve, jusqu’aux derniers jours de sa vie, qui ont été attristés par des préoccupations sévères, parfois douloureuses. Son souvenir restera entouré de sympathies durables : on s’étonnera même que quatre années lui aient suffi pour marquer sa place dans l’histoire de notre troisième république, et se l’être faite si large.

Au dehors, M. Félix Faure n’avait pas une situation moins bonne. Il s’était toujours occupé des affaires extérieures, et, avant même d’en bien connaître tous les détails, d’avoir pu mesurer l’importance de chacun d’entre eux et se faire une juste idée de l’ensemble, il s’y intéressait activement. Député d’un port de mer et versé dans toutes les questions commerciales, son intelligence ouverte et souple était arrivée vite à la compréhension des intérêts généraux. Il aimait les voyages, et il en avait rapporté des observations utiles et précises.