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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/286

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de leurs ports de commerce. En ne laissant dans la Méditerranée que peu de croiseurs très rapides et des torpilleurs, nous pourrions néanmoins couper au commerce anglais la route du canal de Suez sur la ligne Toulon, la Corse et Bizerte. Nos flottes réunies constitueraient alors pour les côtes anglaises une menace immédiate et constante, car elles seraient toujours maîtresses du moment de leur attaque. Le blocus d’une telle force deviendrait excessivement difficile.

Ce danger est tellement reconnu par les Anglais, que toutes leurs publications répètent et essayent de nous persuader que nous devons tout sacrifier pour être les maîtres dans la Méditerranée, où nous pouvons espérer le succès, et que là seulement nous sommes en état de lutter en forces à peu près égales. Mais, tout en développant ainsi les raisons qui peuvent nous engager à disperser nos forces et surtout les éloigner de leurs côtes, les Anglais, ont, en même temps, donné l’ordre à leur escadre de la Manche de se porter à Gibraltar pour « mettre en bouteille », to bottle up, nos escadres de la Méditerranée et les empêcher à tout prix de se joindre à nos forces de la Manche. Le goulot de la bouteille, c’est Gibraltar ; le bouchon, ce sont les escadres de Malte et de la Manche qui, réunies, donnent un total de 37 vaisseaux de combat, pour la plupart du dernier type, avec les sept meilleurs destroyers du Royaume-Uni.

Il ne faut pas oublier de signaler les acquisitions de terrain journellement faites par des particuliers anglais autour de Gibraltar et de Ceuta. Les acquéreurs sont vraisemblablement aux ordres du gouvernement britannique, et, malgré les conventions qui interdisent d’établir aucun ouvrage de fortification sur ces territoires, on peut être sûr qu’au moment d’une guerre les cottages se transformeraient vite en batterie. On trouverait dans les magasins de Gibraltar le matériel nécessaire pour les armer.

Bottled up Frenck fleets : Les flottes françaises sont mises en bouteille, écrit l’amiral Colomb. Et il ajoute : « L’Amirauté connaît effectivement, jour par jour, les moindres dispositions prises par notre adversaire, et il est impossible aux flottes françaises de prendre la mer sans avoir à combattre un ennemi supérieur. » Il faut espérer que nos chefs maritimes ne se laisseront pas prendre à un tel piège et que, le moment venu, la concentration de nos forces se fera en temps utile.