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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/289

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bombardement par une escadre est une opération militaire de quatrième ou de cinquième ordre, faisant beaucoup plus de bruit que de besogne, sans importance réelle, sans portée véritable, sans influence sérieuse sur l’issue de la lutte entre deux grandes puissances militaires. » Est-ce à dire que les Anglais ne l’essayeront pas ? On peut, presque à coup sûr, prédire le contraire. Ils espéreront par ce procédé forcer nos escadres à venir au secours du port menacé, le combat dans ces conditions se présentant pour eux avec tous les avantages d’une supériorité numérique écrasante.

Si ce procédé n’amène aucun résultat, la presse anglaise ne manquera pas de proclamer que l’Angleterre y renonce par raison d’humanité. Elle ajoutera, qu’en obéissant ainsi à ses sentimens généreux, elle se prive volontairement d’une de ses meilleures chances de succès. Mais nous ne serons pas attendris par cette manœuvre qui donnera l’occasion à « d’honnêtes courtiers » de nous proposer une paix désastreuse. On ne doit pas oublier que les questions d’humanité tiennent assez peu de place dans les affaires britanniques.

Il résulte de ces conditions générales qu’à moins de nous y prêter, l’Angleterre ne peut nous causer aucun dommage sérieux sur le continent et que, d’autre part, en ce qui concerne nos colonies, elle serait dans des conditions difficiles pour en faire la conquête. Il est probable d’ailleurs qu’elle ne l’essayerait pas, comptant en obtenir la cession par traité imposé. Nous enlever nos navires de commerce ne nous causera pas grand dommage : nous en avons trop peu. Nos paquebots resteront dans les ports neutres. L’Algérie, largement pourvue d’approvisionnemens de toutes sortes, peut sans inconvénient rester séparée de la métropole pendant plus d’un an. D’autre part, nos croiseurs et nos contre-torpilleurs ne laisseront pas que de créer quelques ennuis au commerce et au ravitaillement en vivres de la Grande-Bretagne.

Mais le gouvernement anglais a la conviction que nous sommes dans l’impossibilité absolue de prendre l’offensive sur un point quelconque. Atteindre l’Egypte par la Tripolitaine (2 400 kilomètres de Gabès au Caire à travers le désert) est évidemment une opération fort longue ; on n’y pourrait songer que si l’on était résolu à faire durer la guerre.

Le raisonnement anglais paraît donc juste, car, en restant