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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/352

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sont les levées extraordinaires, les appels de classe anticipés ? Qui pourrait montrer enfin les élémens de ces accusations générales que la malveillance invente, que la crédulité colporte, et que la sottise accepte ?

« Sans doute l’Empereur veille sur les causes diverses de complications éventuelles. Une telle prévoyance n’est ni de l’agitation, ni de la provocation. Etudier les questions, ce n’est pas les créer, et détourner d’elles son attention, ce ne serait non plus ni les supprimer, ni les résoudre. Au reste, l’examen de ces questions est entré dans la voie diplomatique, et rien n’autorise à croire que l’issue n’en sera pas favorable à la consolidation de la paix publique. »

Le coup était rude, inattendu pour M. de Cavour, et d’autant plus douloureux que cet article était marqué de la griffe même de l’Empereur. La politique de la paix l’avait emporté. Les Bourses de toute l’Europe répercutèrent instantanément le sentiment public par une forte hausse. On respirait, après de vives angoisses. Dans la capitale du Piémont, au contraire, la consternation régnait. « Nous avons appelé les contingens sous les armes ; c’est grave, écrivait la marquise Constance d’Azeglio. Dieu veuille que ce ne soit pas imprudent, fatal ! On est peu rassuré et peu rassurant. To be or not to be, voilà la question. Pour mieux préciser : Cavour est-il fou ou ne l’est-il pas ? » M. de Cavour n’était pas fou, mais furieux, et surtout contre le comte Walewski ; il le rendait responsable des véhémentes déclarations du Moniteur et chargeait son envoyé à Paris de ne pas lui ménager l’expression de son ressentiment. Le lendemain soir, au bal des Tuileries, M. de Villamarina, pale et agité, abordait le ministre en le priant de vouloir bien lui accorder quelques instans dans un salon éloigné pour lui permettre de l’entretenir, non pas officiellement, mais officieusement, d’affaires fort graves.

« L’article du Moniteur, dit-il, est un coup de foudre pour le Piémont. Le Roi est exaspéré, il veut abdiquer ou montera cheval pour se faire tuer dans un nouveau Novare. Le comte de Cavour est exaspéré ; il a été joué, il est déshonoré aux yeux du monde entier, il ne lui reste plus qu’à se jeter à l’eau ; mais, avant cela, il veut se justifier, il veut renvoyer la responsabilité à qui de droit. Ce n’est pas lui qui a pris l’initiative, on est venu le chercher ; il en a la preuve, il la produira. On l’a mis en avant et on l’abandonne ; il provoquera des interpellations à la Chambre et