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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/408

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jeunes, étalant leur désœuvrement et leur misère sur toutes les routes de France : non seulement parce que ces milliers d’êtres paresseux et démoralisés, traînés de prison en prison, obèrent les finances publiques, mais surtout parce que cette armée recèle nombre d’assassins et de voleurs, qui rançonnent les campagnes, et que leur existence nomade rend presque insaisissables. Il est à remarquer, en effet, que, si le nombre des vagabonds et des mendians poursuivis a quadruplé depuis cinquante ans, il en est de même du nombre des vols commis par des inconnus qui, de 13 474 en 1845, s’est élevé, en 1895, à 86 874, c’est-à-dire, a plus que quintuplé, tandis que le chiffre des assassinats, qui avait été de 119 en 1845, est de 215 en 1895.

Le vagabondage s’est donc développé parallèlement à la mendicité, parallèlement au vol, et parallèlement au nombre de criminels inconnus. Il est à noter que le nombre des vagabonds récidivistes est inférieur de près de 1 000, en 1895, à celui des vagabonds récidivistes, en 1887 ; que celui des voleurs récidivistes a diminué, dans la même période, de 1 400 ; et que, tandis qu’on se trouvait en présence d’un chiffre plus considérable de vagabonds et de voleurs, on a relégué seulement 46 vagabonds au lieu de 192 en 1887, et 374 voleurs au lieu de 942.

Cette question mérite bien qu’on l’examine. Puisque, sujet d’effroi pour les campagnes, le vagabondage sollicite l’attention des pouvoirs publics et provoque l’étude de la réorganisation, ou, pour parler plus exactement, de l’organisation de la police rurale[1], étudions les variétés de vagabonds, leurs mœurs ; jetons un coup d’œil sur le champ où s’exerce leur industrie ; après quoi, passant en revue les dispositions des lois qui leur sont applicables, nous nous demanderons si la législation actuelle est suffisante, s’il existe un moyen de réprimer d’une manière plus efficace et surtout de prévenir le vagabondage.


II

Le vagabondage est étroitement lié à la mendicité, à ce point que l’on peut dire avec quelque certitude que tout vagabond est doublé d’un mendiant, et réciproquement. Si le nombre total des mendians poursuivis est inférieur de moitié à celui des vagabonds,

  1. Voyez le rapport présenté par M. de Marcère, sénateur, au nom de la commission extra-parlementaire, nommée à cet effet, et dont il a été le président.