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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/473

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars.


On croit beaucoup, et peut-être même avec quelque exagération, aux périls de l’heure présente ; mais on croit beaucoup moins aux sauveurs qui s’offrent pour nous y soustraire. Le gouvernement s’est donné à lui-même ce rôle, et il y a déployé une certaine activité. Nous ne parlons pas de la loi qu’il a présentée et à laquelle on a donné, avec plus ou moins d’exactitude dans les termes, le nom de loi de dessaisissement : il est à craindre qu’elle ne finisse par s’appliquer à ses auteurs. Loin d’abréger notre attente, elle la fera durer davantage, ce qui est aux yeux de beaucoup d’entre nous l’inconvénient suprême. Mais, pour nous aider à attendre, le gouvernement s’est ingénié à occuper la scène, et il n’a rien trouvé de mieux que de faire des descentes de police et des perquisitions au siège d’une demi-douzaine de ligues, peut-être plus. Le nombre des ligues s’est extraordinairement multiplié depuis quelques semaines : phénomène digne d’attention, car enfin il n’y a pas d’effet sans cause, et la cause de celui-ci mérite d’être recherchée. Nous la rechercherons. Quoi qu’il en soit, si on mesurait le péril couru par la République au nombre des ennemis organisés et ligués qu’on lui a tout d’un coup découverts, il faudrait en éprouver de l’inquiétude. Chose étrange, personne n’en a éprouvé ; personne n’en éprouve encore, du moins à ce sujet. On a regardé avec un scepticisme narquois les allées et venues des commissaires de police et de leurs agens ; mais on n’a pas attaché d’importance aux découvertes qu’ils ont pu faire. Aucun de nous n’a eu la sensation d’avoir été sauvé. Ce n’est pas la faute du gouvernement ; il a fait tout ce qui dépendait de lui, d’abord pour nous faire peur, et ensuite pour nous rassurer ; mais il y a doublement échoué. Peut-être avons-nous tort d’être aussi tranquilles : on verra bien. Nous n’y apportons aucun parti pris. Nous ne demandons pas mieux que de nous effrayer rétrospectivement, si on nous en donne l’occasion. Mais nous serions bien surpris s’il y avait, dans tout ce qu’on a découvert, autre chose que des motifs de s’amuser et de rire.