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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/540

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II

Des influences étrangères allaient modifier profondément cette religion et altérer la physionomie du dieu Mithra.

Quand les Perses envahirent la Médio et les pays du Tigre et de l’Euphrate, ils les trouvèrent en possession de la plus vieille civilisation du monde, à la fois très savante et très corrompue, fortement organisée par un corps de prêtres puissans. Ils en eurent d’abord la défiance et l’horreur ; puis, comme toujours, le vainqueur primitif et barbare se laissa gagner par le vainqueur plus raffiné. Cette civilisation était celle de Ninive et de Babylone. Sur les boues fécondes et malsaines de l’Euphrate, il est probable qu’a vécu la première humanité. Sans entrer dans les controverses que soulève la question de ces lointaines origines, il semble bien que deux races, différentes de génie et de croyances, aient concouru à cette civilisation ; l’une, vraisemblablement autochtone, en proie aux séductions et aux épouvantemens d’une nature violente et généreuse, adonnée à l’adoration d’une foule de génies malfaisans, aux formes bizarres et monstrueuses, pratiquant une religion toute en formules, en incantations déprécatoires et en phylactères, qui est la magie ; l’autre, sémitique d’origine, et qui adorait le ciel et les étoiles. Par le travail séculaire des écoles sacerdotales, ces croyances s’amalgamèrent sans se détruire, et de cette élaboration sortit une religion toute sidérale, comportant des spéculations élevées sur l’âme et sur la destinée, et qui s’accordait avec un culte très sensuel et une théocratie tyrannique.

L’astrologie, qui suppose la connaissance du ciel, était la grande affaire de ces prêtres, la science maîtresse. Des hautes tours à étages qui leur servaient d’observatoires, au-dessus de la poussière et du bruit des cités, ils exploraient de leurs regards aiguisés par l’habitude les profondeurs du ciel oriental. A Callisthène, l’envoyé d’Aristote, ils montraient des observations astronomiques enregistrées depuis dix-neuf cent trois années consécutives. Dans les débris de la bibliothèque d’Assurbanipal, on a retrouvé, en même temps que des traités de magie, des calendriers, des livres de numération et d’astronomie, d’une singulière précision. Ils fixaient la naissance du monde au moment où le soleil était entré dans le Taureau et lui assignaient pour fin le