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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/565

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instincts matériels vaincus et emblème du Soleil succombant à l’hiver pour renaître au printemps, devait avoir encore moins de vertu pour s’emparer des âmes. Comment s’échauffer pour une froide allégorie morale et pour une fiction astronomique ? Jésus cloué sanglant sur la croix, victime volontaire offerte pour le rachat de l’humanité, était d’une réalité autrement saisissante et efficace.

Aussi, tandis que toutes les religions an tiques s’organisaient sur le modèle des mystères grecs, que chacune avait son enseignement secret, ses symboles à double et à triple sens, qu’on ne découvrait qu’avec précaution aux initiés, et dont quelques-uns restaient comme le privilège des seuls pontifes, le christianisme répudiait le principe des initiations longues et difficiles et s’en tenait au stage nécessaire du catéchuménat. Un instant, il est vrai, on put craindre qu’il ne versât dans l’ornière de cette imitation. Les chrétiens d’Orient, surtout ceux d’Egypte, essayèrent de l’engager dans cette voie. Clément d’Alexandrie et Origène sont partisans d’une discipline secrète, des révélations graduées, qui doivent conduire peu à peu à la connaissance de la gnose chrétienne. Le bon sens de l’Occident réagit contre ces tendances, absolument contraires d’ailleurs à l’esprit de l’Evangile. « Chez nous, dit Tatien, ce ne sont pas seulement les riches qui ont accès à la sagesse ; nous la distribuons aux pauvres, et pour rien. Qui veut apprendre, peut entrer. »

Nous touchons là, croyons-nous, à la cause capitale du succès de la propagande chrétienne. Même les cultes orientaux n’avaient pas réussi à créer une religion populaire. Presque seules les classes élevées se faisaient initier et avaient part aux mystères. Le peuple gardait ses croyances ataviques, ou se ralliait aux basses superstitions entretenues par les galles mendians, les métragyrtes et les magiciens qui pullulaient dans les grandes villes, faisant, malgré les lois, commerce public de leurs recettes pieuses et de leurs amulettes. J’avoue même avoir des doutes sérieux sur le degré de popularité de Mithra. Les monumens mithriaques, si répandus qu’ils nous paraissent, risquent de nous faire illusion sur l’importance véritable de la religion. Ils sont nombreux à Rome, à Milan, à Naples ; surtout ils abondent sur toute la ligne de frontière de l’empire, et la jalonnent de la Transylvanie aux bouches du Rhin. Mais les trente-sept temples relevés à Rome ne sont guère que des chapelles privées d’autant de familles. Rien qui