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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/596

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régulièrement. Je ne puis jamais estre ingratte sur l’amitié que vous m’avez tousjours témoignés, et l’on ne me laisse pas ici oublier votre mérite. » Elle a même recours aux querelles d’affection : « Je suis fort persuadée de l’amitié que vous avez pour moy, ma chère grand’mère, mais je m’offence fort si vous doutez de la mienne et si vous croyez que ma sœur (la reine d’Espagne) vous aime mieux que moy. Je lui cède en tout, ors en cela, ce seroit une injustice que je ne mérite point, par la tendresse et le respect que j’ay et auray toute ma vie pour vous, ma chère grand’mère[1]. »

Les lettres de la duchesse de Bourgogne à sa mère sont beaucoup plus rares, soit qu’elle se sentît moins en confiance et en intimité avec elle qu’avec sa grand’mère, soit que le plus grand nombre de ces lettres aient été perdues. Celles qu’on possède sont d’une époque postérieure. Nous aurons plus tard à en parler. Aussi nous ne voulons en citer que ce fragment où l’on trouvera la preuve de l’attachement qu’elle avait conservé pour sa sœur, la reine d’Espagne, qu’elle avait quittée à l’âge de douze ans et qu’elle n’avait jamais revue : « Je trouve, comme vous, ma chère mère, que les nouvelles d’Espagne viennent bien rarement. Je voudrois savoir tout ce qu’elle fait depuis le matin jusqu’au soir par l’intérest que je prens. Je suis pourtant bien plus en repos sur son sujet depuis que j’ai su la véritable amitié qui est entre le roy d’Espagne et elle. J’espère, ma chère mère, que nous n’aurons de son costé que des sujets de joie[2]. » Il n’était pas jusqu’à son rude père qu’elle ne s’efforçât d’attendrir. Victor-Amédée, dont on a conservé beaucoup de lettres politiques, écrivait rarement, pour ainsi dire jamais, à sa femme et à ses filles. En lui donnant de ses nouvelles, la duchesse de Bourgogne le lui faisait finement sentir. « Quoyque je conte sur vostre bonté pour moy, mon cher papa, je suis ravie des nouvelles assurances que vous m’en donnez, et je vous supplie aussi de ne jamais douter des sentimens que jay pour vous, quoy que je ne vous le dise pas souvent. Vous devez me le pardonner plus aisément qu’un autre[3]. »

Même bonne grâce dans les rares lettres qu’elle écrivait aux personnes de la cour. Quoi de plus joli, par exemple, que celle-ci

  1. Archives de Turin.
  2. Archives de Turin. — Lettere di Maria Adelaïde di Savoia scritte alla duchessa di Savoia, Anna d’Orléans, sua madre.
  3. Ibid., Lettere di Maria Adelaïde di Savoia, duchessa di Borgogna, scritte al duca Vittorio Amedeo II, suo padre, déjà publiée par M. Gagnière comme la précédente et rétablie d’après l’original.