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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/681

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du Christianisme étant encore à faire, je le composerais tout différemment. » Et à plusieurs reprises, dans ses Mémoires, il a montré ce que pourrait être, selon lui, cette Apologie nouvelle. Quand on relit aujourd’hui ces pages, surtout celles qu’il a, dans sa Conclusion, intitulées : l’Idée chrétienne est l’avenir du monde, on est frappé de tout ce que sa pensée a gagné en sérénité, en élévation, en puissance quasi prophétique. Elles ont l’air écrites d’hier, ces pages, et les espérances qu’elles expriment sont encore celles de quelques-uns des meilleurs de nos contemporains. Elles sont le testament philosophique et religieux de René ; mais le génie de notre âge était si parfaitement en lui qu’on croirait lire le testament philosophique et religieux du siècle qui s’achève. Elles nous révèlent du moins l’unité secrète de cette vie et de cette œuvre. A travers bien des puérilités, des déclamations et des faiblesses, misères communes de la triste humanité, Chateaubriand a été un chrétien généreux, confiant et sincère ; et il a mérité qu’en face de sa tombe, on prononçât ces belles et nobles paroles, — digne hommage d’un poète à un poète : « Nulle sépulture n’a plus de droits à l’ombrage de l’arbre auguste. Aucun nom, aucun mot sur cette pierre : comme ses aïeux couchés sur les dalles des églises, avec leur épée de bataille dans les mains, Chateaubriand n’a voulu d’autre signe de son passage en ce monde que cette croix, arme avec laquelle il a combattu, arme avec laquelle il a vaincu, témoignage impérissable de l’espoir où ce cœur incontenté s’est enfin apaisé pour toujours. »


VICTOR GIRAUD.